Depuis quelques semaines, il ne s’en passe pas une sans qu’on nous rapporte la mort d’un autre soldat canadien en Afghanistan. Malgré les mauvaises nouvelles du front, le Canada se prépare à y envoyer cet été 2500 troupes, dont la plupart du 22ème régiment de la base de Valcartier près de Québec. Mais pour aller se battre contre qui au juste ? Pour défendre quoi ?
La raison de notre présence là-bas est simple : c’est le pétrole et les vieux rêves d’oléoducs qui n’ont rien à voir avec l’œuvre humanitaire. D’ailleurs, les fonds humanitaires contribués là-bas le sont souvent sous condition d’être dépensés pour des produits canadiens, ratant du coup une occasion de créer des emplois en Afghanistan, de financer les groupes communautaires locaux ou de faire repartir l’économie autrement que par l’influx de narcodollars. Ceux qui profitent de la stratégie d’ingérence, destruction, reconstruction ont des noms familiers : SNC Lavalin, Lockheed Martin, Bombardier, Bechtel, CEA et Oerlikon, pour ne nommer que celles-là parmi les compagnies qui font des affaires en or avec les projets de notre Ministère de la défense et qui ont pignon sur rue à Montréal.
Notre intervention en Afghanistan se drape de vertu, contre laquelle nulle ne peut être, pour justifier ses ratés. Selon des rapports de plus en plus nombreux, il semble évident que notre intervention cause plus de torts aux Afghans qu’elle ne leur apporte de solutions. Pensons aux agriculeurs qui se sont vus économiquement contraints à passer de l’agriculture à la culture du pavot. Quand nos soldats éradiquent leurs champs, leur ultime recours est de se rallier aux Talibans. Une stratégie contre-productive s’il en est, que cette intervention qui renforce les rangs de l’ennemi qu’elle prétend vouloir éliminer.
Il paraît progressivement hypocrite de s’insurger contre les excès des Talibans alors que les prisonniers que nous confions aux autorités locales subissent la torture ou disparaissent sans que la Croix-Rouge ne puisse retrouver leurs traces. Quand une intervention cause plus de tort que le mal qu’elle prétend soigner, il serait logique de la remettre en question. Telle qu’elle est menée, celle-ci n’a fait l’objet d’aucun débat au Parlement canadien, ce que réprouvent les députés d’opposition à la Chambre des communes aisni que de nombreux intellectuels.
La population Afghane, comme la nôtre, n’a que faire de cette démocratie qui ne l’est que de nom, de ce gouvernement élu par notre entremise et manipulé à distance, de la condition des femmes qui y siègent et subissent l’intimidation des seigneurs de guerre qui les y côtoient. La démocratie, le pouvoir au peuple, ça ne s’impose ni par des brutes criminelles transformées en gouvernement, ni par des chefs d’états étrangers qui décident d’envoyer leur jeunesse se faire tuer pour que leur mode de vie égoïste et destructeur de la planète puisse durer encore un temps Si les Afghans venaient chez nous mettre les gangs criminalisés au pouvoir, aurions-nous de la gratitude envers eux pour nous avoir « libérés » ?
Cet entêtement à vouloir assurer la pérennité de notre mode de vie énergivore est irresponsable puisqu’elle mène la population terrestre entière tout droit vers l’hécatombe environnemental. Comment ne pas s’indigner quand on comprend de plus que cette intervention se fait au détriment du financement des services publics canadiens et des groupes de défenses des droits des minorités ?
Quand investirons-nous ces milliards de dollars dans l’entraide et la solidarité internationale véritable et directe, sans l’intermédiaire de marionnettes téléguidées, plutôt que de la dépenser dans des croisades futiles qui ne profitent qu’aux multinationales de l’armement et de la reconstruction ? Quand aurons-nous cesse d’envoyer nos jeunes adultes en renfort à cette guerre sans but ni critère de victoire, qui ne défend aucune des valeurs pour lesquelles d’autres générations se sont sacrifiées mais seulement les intérêts inassouvissables des potentats occidentaux ?
À fouler ainsi du pied la démocratie véritable, celle qui résiste et manifeste, il ne faudra pas se surprendre qu’un jour les AfghanEs ou d’autres aient envie de suivre cet exemple et de venir chez nous nous donner des leçons de liberté… Leur reconnaîtrons-nous la réciproque du « devoir d’ingérence » ? Pourquoi alors nous permettons-nous de telles interventions ailleurs en s’attendant d’être accueillis comme des héros ?
Si nous nous opposons au départ des troupes de Valcartier, ce n’est pas pour cibler les soldatEs qui sont ultimement responsables de leur choix de carrière. Nous nous indignons contre toute l’entreprise hypocrite de la guerre et les motifs qui la sous-tendent. Les valeurs véhiculées par cette intervention ne sont pas les nôtres. Pourtant, nous la finançons, nous en portons donc chacun et chacune une part de responsabilité. Se taire c’est laisser progresser notre folle dépendance au pétrole, c’est être complice de cette absurde tentative d’occupation de l’Afghanistan et de la mort de nos concitoyenNEs là-bas.
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