Si, dans un restaurant, un serveur vous pose la question suivante : « Quécé que vous prenez oubedon un Coke ? », les chances qu’on vous apporte un Coke sont très fortes.
Ça s’appelle poser des questions dont on a écrit les réponses.
C’est le mandat reçu par Claude Castonguay dans le dernier budget libéral. « Dites-nous, mon bon monsieur à qui on donnerait le bon dieu sans confession, comment on pourrait faire de la place au privé en santé… », lui a sussuré Jérôme-Forget, parlant en lieu et place de John Jean Charest. Le monsieur se laisse complaisamment donner du « père de l’assurance santé » alors qu’il sait fort bien que ce n’est pas le cas. La contrefaçon a été mise à jour l’année dernière, entre autres par l’ancien ministre de l’Union nationale Jean-Paul Cloutier et par Lucie Dagenais, représentante des syndicats au premier conseil d’administration de la Régie de l’assurance maladie.
Depuis qu’il n’est plus ministre de la Santé, ce qui fait quand même 34 ans, Claude Castonguay s’est recyclé dans le monde des affaires, les assurances en particulier. Une mine d’or, les assurances, là où les soins de santé font l’affaire ( !) du privé, comme aux USA. Le 9 mai 2006, Claude Castonguay faisait une 324e intervention en faveur de la privatisation des soins de santé. Mis sur pied pour les besoins de la cause, le Groupe canadien pour un consensus en soins de santé regroupait, outre l’ancien ministre Castonguay, un autre ancien ministre québécois des affaires sociales, Claude E. Forget. Oui, c’est cela, le mari de la dame qui a confié son mandat à Claude Castonguay. Petit monde que celui-là, conseillé à droite par Mme Tasha Kheiriddin, vice-présidente exécutive et présidente par intérim de l’Institut économique de Montréal.
Si sa paternité peut être mise en cause, on sait par contre quelle sorte de rejetons Claude Castonguay s’apprête à livrer dans son rapport.
Le 16 mai 2006, Castonguay et sa fille, actuaire de son état elle aussi, témoignaient devant la Commission des affaires sociales. Voici au texte ce qu’elle déclarait, en digne fille de son papa : « C’est vrai que les personnes les moins bien nanties sont les personnes qui vont être souvent les plus vulnérables et qui ont un état de santé, là, qui est souvent moindre, moins bien, là, que l’état de santé des mieux nantis, mais c’est aussi les personnes qui ont plus de temps à octroyer pour aller dans les urgences. Donc, il y a un coût marginal, là, qui est associé qui est moindre pour ces personnes-là à aller attendre dans les urgences. » Joanne Castonguay. Traduction libre en langage de monde : Les pauvres ont ben du temps libre, c’est pas grave de les faire poireauter dans les urgences. Mais les riches ont pas de temps à gaspiller aux urgences et sont prêts à payer pour passer avant les autres…
Toujours prompt sur la gâchette, Alain Dubuc s’en prenait récemment à ceux qui s’opposent aux visées des Jérôme-Forget et des Castonguay. « La bataille pour l’intégrité du système de santé n’est pas menée par les simples citoyens, assez ouverts au privé. Elle provient surtout des milieux syndicaux et communautaires, appuyés par des universitaires radicaux. C’est bien davantage une bataille idéologique pour éviter des « reculs » de l’État, et une bataille corporatiste pour préserver les privilèges et les pouvoirs de ceux qui profitent du système tel qu’il est. Se battent-ils pour une meilleure médecine pour les Québécois ? Absolument pas. » Voilà, c’est dit.
Pierre Foglia, qui loge à la même adresse, rue Saint-Jacques, prenait davantage la mesure de l’opération en cours. « Je me souviens d’avoir manifesté, au début des années 70, contre M. Castonguay. Il était déjà, à l’époque, en faveur d’un système de santé à deux vitesses. Bref, contrairement à ce que vous avez tous l’air de croire, M. Castonguay n’a pas inventé la social-démocratie, ni même l’assurance maladie. L’assurance maladie ne serait pas ce qu’elle est depuis 35 ans sans les pressions populaires du début des années 70. Je peux vous le dire, ce qu’il y aura dans le rapport de M. Castonguay. M. Charest aussi pourrait vous le dire. C’est bien pour ça qu’il l’a nommé. »
Nous n’avons plus nos jambes du début des années 70, mais nous serons à nouveau dans la rue s’il le faut. En espérant que quelques jeunes viendront nous rejoindre.
Michel Rioux
Laisser un commentaire