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Petit exercice d’autodéfense intellectuelle

Ce que trois fois je dis est sans conteste vrai !
La chasse au Snark, Lewis Carroll

Ce que je propose ici est un petit exercice d’autodéfense intellectuelle sur le Manifeste pour un Québec lucide, visant à relever quelques-uns des différents sophismes et erreurs de raisonnement que l’on y retrouve.

Mais d’abord, une observation. Lorsque l’on se retrouve du côté du pouvoir ou de la pensée dominante, on peut se permettre de faire des affirmations sans avoir d’arguments ou de faits pour appuyer chacun de nos dires. Dans le cas contraire, il faut argumenter pas à pas. C’est ce que l’on peut constater lorsque l’on compare les deux manifestes celui pour un Québec lucide et celui pour un Québec solidaire. Le deuxième cite des statistiques, des faits, des exemples pour appuyer ses dires. Mais lorsque l’on est lucide on n’a pas à s’embarrasser de ces petites règles élémentaires de bienséance argumentative.

L’appel à la peur

L’appel à la peur consiste à faire naître la peur, que ce soit par menace ou d’autres moyens, afin de faire valoir une position.

On peut dire que le Manifeste pour un Québec lucide repose largement sur l’appel à la peur. Le texte fourmille d’ailleurs de termes qui rappellent la terreur, tels que : menace, alerte, précipice, danger, péril, urgence et autres. Je n’en relèverai ici que quelques exemples et vous en trouverez sûrement d’autres.

« Alors que notre avenir est menacé par le déclin démographique… »

« Nous sommes inquiets. Inquiets pour le Québec que nous aimons. Inquiets pour notre peuple… »

« D’ici quelques années tout au plus, nos rêves – en fait, pas les nôtres, mais ceux de nos enfants – seront brutalement interrompus par des coups sur la porte les huissiers ! »

« Le Québec est une société privilégiée, mais notre prospérité est menacée. »

La fausse analogie

Une fausse analogie conduit à penser de manière erronée ce qu’on voudrait par elle mieux comprendre. On parvient à déceler une fausse analogie en se demandant si les similitudes et les différences entre les deux objets comparés sont importantes ou au contraire insignifiantes. En voici une, du Manifeste

« Le monde a changé et il nous faut nous adapter aux nouvelles réalités. Refuser de le faire, ce serait comme s’entêter à taper ses lettres à la dactylo sous prétexte que c’est avec celle-ci qu’on a appris à écrire. »

Je ne sais pas s’ils ont trouvé cette analogie en tapant à la dactylo, mais on est gêné pour eux en la lisant.

« Ceux qui nient le danger sont aveuglés par le vent de prospérité qui souffle sur le Québec depuis quelques années. […] C’est la particularité de la situation actuelle le danger ne se présente pas sous forme de précipice, mais de longue pente descendante. Au premier coup d’œil, il ne semble pas y avoir de risque. Mais une fois amorcée, la glissade sera inexorable. »

Le faux dilemme

Un faux dilemme survient lorsque nous nous laissons convaincre que nous devons choisir entre deux et seulement deux options mutuellement exclusives, alors que c’est faux. Le Manifeste ne manque pas de tomber dans ce piège et de nous y précipiter.

« …Nous convenons que ce déséquilibre existe et qu’il faut rétablir la situation au plus tôt. Mais cela n’aidera à résoudre partiellement qu’un seul des problèmes mentionnés, celui des finances publiques du Québec. Penser autrement, c’est rêver en couleurs ou ne pas savoir compter. »

« …tous ceux qui aiment le Québec et veulent un avenir prospère pour cet îlot francophone en Amérique doivent prendre la parole. »

« C’est pourquoi un esprit de lucidité et de responsabilité mènera à l’abandon du gel des droits de scolarité… »

« La concurrence mondiale étant ce qu’elle est, il serait suicidaire de refuser de se défaire des rigidités qui minent notre compétitivité. »

Le raisonnement invalide

Un raisonnement est invalide lorsque la conclusion ne découle pas des prémisses. Voici des exemples que nous fournit ce Manifeste, si prolixe en sophismes :

« La liberté suppose le respect de ceux qui osent, qui sortent des sentiers battus, qui risquent. Elle requiert aussi – c’est un corollaire essentiel – le respect de ceux qui réussissent, plutôt que l’envie, les procès d’intention et la suspicion. »

« Après être devenu, au cours des dernières décennies, une exceptionnelle terre d’accueil, un Québec plus âgé et moins dynamique aura de plus en plus de mal à attirer des immigrants. »

Pourquoi ? Ils n’aiment pas les vieux, les immigrants ?

« Aussi tôt qu’en 2012, il y aura de moins en moins de gens en âge de travailler, de moins en moins de jeunes et plus en plus de personnes âgées. Cela voudra dire un peuple moins dynamique, moins créatif, et moins productif. »

« …d’autre part, l’augmentation des revenus va s’affaiblir parce que le nombre de travailleurs payant des impôts ira en diminuant. »

Il n’y a pas que les travailleurs qui paient des impôts, les retraités par exemple paient encore de l’impôt et ils consomment. Ils sont retraités, ils ne sont pas morts et ils peuvent encore contribuer de manière active à la société. Je dois dire que votre maman, si elle vous lit encore, elle ne sera vraiment pas contente de vous.

Au terme de cet exercice, quelle note donneriez-vous aux auteurs du Manifeste ? Je suggère E pour le cours de logique 101 et A pour celui de propagande 101.

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