Hervé Kempf n’est pas le premier à tirer la sonnette d’alarme en ce qui concerne les changements climatiques. Il n’est pas non plus le premier à faire des liens entre les désastres environnementaux et l’idéologie capitaliste. Bien d’autres avant lui ont montré comment le profit pour le profit exige qu’on surconsomme, qu’on traite la nature au minimum, et qu’on balaie sous le tapis toutes ces « externalités » qui ruinent notre planète.
L’intérêt du discours d’Hervé Kempf, auteur du livre « Comment les riches détruisent la planète »1, tiens à mon sens à la conjoncture de deux éléments supplémentaires. D’abord le statut professionnel de l’homme : spécialiste des questions environnementales au grand quotidien français Le Monde, le type jouit d’une longue expérience sur ces questions et d’une réputation de journaliste rigoureux.
D’autre part cet individu, qu’on peut difficilement taxer de « sale-gauchiste-radical-adepte-de-la-théorie-du-complot » écrit dans son livre que (en conférence, il dira « je vous propose l’hypothèse que… », c’est dire sa retenue naturelle) : une faible proportion de la population, 10%, 5 %, 1 %, peu importe, est responsable de ce gâchis. Cette classe dirigeante, qui ne fait plus 20 fois le salaire de ses employés comme dans les années ’70 mais bien 150 fois, est non seulement dénuée de tout idéal social mais fait sciemment obstacle au changement de cap nécessaire pour éviter la fracture sociale et environnementale qui se profile clairement à l’horizon.
Et voilà où ça devient intéressant. Qu’un type comme Kempf publie un livre (qui en est déjà à sa deuxième réimpression quelques mois après sa publication) où il appelle un chat un chat, et une oligarchie responsable du désastre planétaire une oligarchie responsable du désastre planétaire, a de quoi réjouir les sales-gauchistes-etc-etc. que nous sommes. Tout comme la longue file d’attente de gens refusés par manque de place lors de sa conférence à l’UQAM le 10 avril dernier lors de son passage à Montréal avait aussi quelque chose de formidable.
Ce soir-là, dans la salle, on retrouvait des émules de Laure Waridel (elle-même y était…), des membres de Greenpeace, des animateurs d’écoquartiers, bref que des convertis diront les cyniques. Mais ces « convertis » ont entendu ce soir-là un chaînon qui manque souvent à leur discours de consommation responsable ou d’action directe ponctuelle : un appel à l’urgence de lier l’écologie et le social et d’analyser le rôle central de l’oligarchie dominante dans la crise écologique actuelle.
Et l’espoir que conserve Kempf malgré un constat qui en a dérouté et découragé plus d’un lors de cette soirée (on le sentait par les questions posées à la fin), c’est que la gravité de la situation fait en sorte que les grands médias n’ont plus le choix d’en parler et que c’est maintenant la majorité des gens qui sont préoccupés par les problèmes environnementaux. Et si tous ces gens en viennent assez rapidement à comprendre « le chaînon manquant » (que ces mêmes grands médias font tout pour occulter, Kempf ne se gêne pas pour le dire), alors peut-être pourrons-nous remonter collectivement à la cause ultime de nos malheurs (et agir en conséquence) et pas seulement tergiverser sur leurs causes proximales.
Une nuance qui n’est d’ailleurs pas si difficile à comprendre. En clair, et pour reprendre les mots de Hervé Kempf : ce n’est pas la pollution qui menace la planète mais bien les riches.
BRUNO DUBUC
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