Le PQ a été sanctionné le 26 mars pour avoir montré trop d’irréalisme. Ce qu’on entendait de lui, c’était un discours, mais c’était aussi un peu un disque, quelque chose de mécanique, de rigide, d’assez étranger à la complexité des choses.
Les militants ont quelque raison de craindre les dérapages des caractères, les glissements idéologiques. Cela a toujours été un danger en politique progressiste. Mais cette préoccupation avait elle-même glissé dans la caricature et surtout dans un irréalisme extraordinaire.
Le bon sens n’était plus très présent. Exemple : cette histoire de référendum à tout prix, quelles que soient les circonstances. C’était le comble. D’autant que le public ne voulait pas en entendre parler. On revenait sans cesse avec ça. Et puis cette autre histoire, le bizarre discours théoricien selon lequel le PQ doit chercher à se faire élire tout en annonçant une intention ferme de ne pas gouverner… Cela bravait toute espèce de logique. Cette idée ne tenait pas le devant de la scène mais elle faisait partie du décor.
La population, qui ne suit pas dans le détail les propos des politiciens, finit parfois par entendre la drôle de musique que fait l’ensemble d’un parti, et c’est bien suffisant pour comprendre.
Le PQ se discréditait, car il ne jaugeait plus vraiment l’état réel de l’opinion. Il pouvait soutenir divers points de sa politique, mais cela, en un sens, n’avait pas beaucoup d’importance : une part de la population avait le sentiment que le parti ne la comprenait pas, fixé comme il paraissait l’être sur des idées obsessionnelles. L’écart était assez considérable. Ces gens s’imaginaient qu’au contraire l’ADQ les comprenait très bien et, de fait, celle-ci savait comment leur parler.
La défaite cuisante, la dangereuse défaite du PQ s’explique. Ce n’est pas un mystère. Depuis quelques années, ce parti, dirait-on, fonctionne dans une sorte d’abstraction. Mais il faut se demander comment il ne voyait plus certaines évidences, tout entier à ses idées fondamentales. Il ne pouvait plus varier, s’adapter aux circonstances, se montrer plus réaliste, imaginer non seulement sa destination mais aussi des voies latérales et notamment occuper, comme grand parti, un large éventail de possibilités concrètes. Il n’était plus assez polyvalent. Il semblait ne plus pouvoir s’occuper des réalités dans leur ensemble. Il n’avait pas beaucoup cette liberté. Il fallait absolument qu’il coure au référendum. C’est ce qui ressort de la campagne. Boisclair ne parlait pas seulement de ce dernier, mais le peuple avait sans doute l’impression que le parti répétait toujours la même chose.
L’action, comme la politique, est impossible sans marge de manœuvre, sans expérimentation, sans tâtonnements, sans liberté d’invention. Il faut agir comme on vit, comme on invente, comme on fait des tentatives, parfois risquées. C’est le rôle d’un grand leader de s’adapter aux circonstances et aux possibilités de l’heure. Il n’a que faire d’une linéarité rigoureuse et étroitement imposée. La vie ne fonctionne pas comme ça. Il faut savoir cela d’instinct.
Alors, pour corriger la situation, ne comptons pas sur des ajustements méticuleux à la façon des techniciens. Ce n’est pas une question de calcul, de dosage, de dispositifs. Ce n’est pas une question pour les experts. C’est une question pour des créateurs.
Pierre Vadeboncoeur
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