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« Le Canada n’est pas un pays, c’est un système ferroviaire »

LE 20 SEPTEMBRE DERNIER RENAISSAIT, au Lion d’or, le parti Rhinocéros dans le cadre du Festival international de littérature et l’Internationale zapartiste. Le Rhinocétaphe est un spectacle hommage à Jacques Ferron souligant le 20e anniversaire de sa mort. « Le parti Rhinocéros un parti séditieux, un parti d’escarmouche, de guérilla idéologique », écrivait Ferron pour décrire ce parti qu’il a co-fondé en 1963 pour mettre un peu d’humour dans la grisaille politique ambiante.

La fièvre rhino a pris de l’ampleur aux élections de 1980 alors que trois Rhinos ont réussi à se hisser en 2e place au niveau du vote populaire. Le pouvoir en place, objet de dérision, a répliqué en haussant de 200 $ à 1 000 $ le montant de la cotisation donnant le droit de briguer les suffrages. Rhino s’est éteint en 1993. Qu’à cela ne tienne, il renaît de ses cendres plus vigoureux que jamais. « Dieu est mort mais le rhinocéros est partout », clamaient les Rhinos d’époque.

De l’hippopotame au rhinocéros

La petite histoire rhino s’est notamment inspirée d’une histoire d’hippopotame. Des habitants d’un quartier de Sao Paolo au Brésil avaient voté massivement pour un hippopotame du zoo local plutôt que pour les élus locaux. En 1979, deuxième vague du parti qui avait été pris d’assaut par des artistes du quartier Saint-Louis à Montréal, Cornélius 1er , un rhino né au zoo de Granby a été proclamé chef à vie du parti.

Le Couac a fait enquête Cornélius 1er est décédé sans laisser de descendance et des mauvaises langues vous diront qu’il était impuissant, mais ça c’est une autre histoire. Pourquoi le rhinocéros ? Parce que c’est le symbole par excellence de la stupidité, de l’insignifiance. Pour le parti, les politiciens, comme le rhinocéros, sont par leur nature « à peau épaisse, se déplacent lentement, ont l’intellect faible, peuvent se déplacer très vite lorsqu’ils sont en danger et ont de grandes cornes velues poussant au milieu de leurs visages ».

Le slogan du parti était « D’une mare à l’autre », le drapeau « l’Union Jack avec un rhinocéros écrasé en plein milieu », l’objectif se calquait sur celui des autres partis « ne rien faire », la plate-forme avait deux pieds de haut et était faite en bois.

Le credo de base « ne rien promettre » et briser chaque promesse (comme les partis traditionnels). Si élu, le parti rhino allait exiger immédiatement un recomptage des votes.

Les promesses de la plate-forme politique rhino d’origine n’ont malheureusement pas été repris par les partis traditionnels malgré la pertinence de celles-ci comme « fournir une éducation plus élevée aux Canadiens en construisant des écoles plus hautes » ; « instituer l’anglais, le français et l’analphabétisme comme les trois langues officielles du Canada » ; « mettre la dette nationale sur une carte Visa », etc., etc., etc.

Néo-Rhino

Le Rhinocétaphe, mis en scène par François-Étienne Paré, entouré de Gary Boudreault, François Patenaude, Christian Vanasse, Zoomba et dans l’ombre mais non moins présente, Nadine Vincent avec en musique les Conques claquent (Stéfan Boucher, Joël Montpetit et Jean-François Ouellet) est le point départ du courant néo-rhino. Il faut savoir que les Néo-Rhinos ont développé l’art du paradoxe à tel point que tout est vrai et son contraire aussi. Les Néo-Rhinos font rarement consensus, ils sont selon leur propre expression « dissenssuels ». Chaque spectacle est en fait un meeting politique. Les Néo-Rhinos sont constamment en campagne électorale. Y a-t-il parfois consensus chez les Rhinos ?

« Le retour rhino est d’abord un show hommage à Jacques Ferron que nous avons découvert et qui est encore tout à fait d’actualité », explique Rhino Paré. « Ferron, c’est notre gourou, ostie ! », surenchérit Rhino Boudreault.

Le slogan du parti Néo-Rhino est « le futur, c’est tout à l’heure, fait qu’on va y voir ». Le futur est-il un parti politique Rhino ? Dans le show chaque Rhino – Rhinogigon, Rhinovateur, Rhinoffensif, Rhino-Willie (Lamothe), Rhinocirrhose – défend ses propres intérêts, peut représenter plusieurs comtés ou un comté peut-être représenté par plusieurs Rhinos, nos promesses se contredisent, etc. « Rhino s’impose comme le parti unique de toutes les tendances – sécession, corruption, conservatisme, utopie, etc. », raconte Rhino Paré.

« Pour la formation d’un parti politique, peut-être ben qu’oui ou peut-être ben que non ! Y a des gens qui nous approchent, des personnes qui sont prêtes à s’investir dans une campagne Rhino mais maintenant on ne sait pas ce qui va arriver », soutient Rhino Vanasse. Rhino Zoomba rajoute, « on n’ira même pas aux réunions du parti, on ne votera pas pour nous-même… »

Le Néo-Rhino est-il clownesque ? « Nous ne sommes certainement pas des amuseurs publics même si être ironique et cynique peut porter au clownesque », s’empresse de dire Rhino Zoomba.

« En réveillant Rhino on remue la fange et ça pue. C’est l’esprit rhino qu’on diffuse et qui peut être transféré à tous les paliers de gouvernement. Nous formons la confrérie des insatisfaits », rétorque Rhino Vanasse qui rajoute : « Je serai satisfait quand André Pratte va écrire dans La Presse “le Rhino, c’est con !” »

La suite Néo-Rhinocéros ? Des promesses, des promesses : « éradiquer la pauvreté et l’obésité de façon définitive en donnant les gros à manger aux pauvres » « analyser les impacts des gaz à effet de serres en enveloppant l’Alberta sous un gros polythène » ; « Introduire la conduite automobile à gauche au Québec… mais progressivement ; en commençant par les gros camions en finissant par les vélos »… « Quand la corne vous poussera dans le front, vous saurez que l’heure rhinocéros est venue. Il suffit de vous regarder dans le miroir tous les matins ! »

CLÔDE DE GUISE
PHOTO : JEAN-FRANÇOIS NADEAU

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