Depuis 1988, un programme intitulé Bold Eagle vise à inciter les jeunes autochtones à rejoindre les rangs des militaires canadiens. Ils ont depuis été un millier à le faire.
Ce programme d’été permet à l’armée canadienne d’attirer les jeunes autochtones sous couvert de leur apprendre leur propre culture. Ainsi, avant même de commencer un entraînement de 6 semaines, comme toute autre recrue des forces armées, les autochtones qui désirent entrer dans le programme Bold Eagle ont droit à 4 jours d’un « camp culturel » (sic) au cours duquel des aînés des Premières nations viennent leur présenter les « coutumes du guerrier » ainsi que les traditions de leur collectivité.
C’est donc en mettant de l’avant la particularité des jeunes autochtones que l’armée canadienne compte atteindre son but. On peut se demander si lors de ces 4 premiers jours sont mentionnés le rôle joué par les Forces canadiennes lors des conflits avec des autochtones (ex : Oka) ou l’exploitation des Autochtones qui se sont battus pour le Canada, notamment lors de la dernière guerre mondiale. À cette époque, les autochtones qui voulaient rejoindre les rangs des combattants devaient auparavant renoncer à leur statut d’Indiens, afin de devenir citoyens canadiens. Lorsqu’ils revenaient du front, leurs droits indiens ne leur étaient pas rendus, mais ils ne recevaient pas pour autant les diverses compensations (dons de terre, pensions, etc.) offertes aux autres citoyens canadiens. Pour ajouter à l’injustice, le ministère des Affaires Indiennes les forçait à retourner dans leurs réserves.
Comme on peut s’en douter, les jeunes autochtones interpellés par les recruteurs de l’armée canadienne se font plutôt aujourd’hui parler de l’argent, des bourses d’études et de l’entraînement qu’ils pourraient recevoir. Dès l’âge de 16 ans, ils se font approcher dans des lieux où tout harcèlement de ce type peu paraître improbable : lors des activités sociales et… à l’école.
Dernièrement, Laura Holland, mère de deux jeunes ados autochtones racontait dans une entrevue accordée à Mordecai Briemberg (1) qu’elle a eu la surprise de voir ses enfants revenir de l’école avec des pamphlets vantant les mérites du programme Bold Eagle. Un programme que ses jeunes auraient probablement intégré si elle n’avait pas su trouver les bons mots et prendre le temps de leur expliquer leur histoire en tant que membres des Premières nations et le lourd passé des Forces armées envers leur communauté. Elle ne s’étonne pas de l’attrait de ses enfants envers les propositions de l’armée, car, souligne-t-elle, ils souffraient alors de désoeuvrement, comme nombre de jeunes de leur collectivité. Ainsi, ils ne bénéficiaient pas, par exemple, d’infrastructures sportives, alors qu’avec l’armée, cela devenait accessible et gratuit.
L’armée canadienne, qui a d’ailleurs récemment laissé tomber les masques en changeant son slogan « Vivez l’aventure en Afghanistan ! » pour « Combattez avec les Forces canadiennes : enrôlez-vous ! », se montre très optimiste quant à son taux de recrutement (voir son site : http://www.army.forces.gc.ca/lf/Francais/6_1_1.asp ?id=1786 ). La présence des militaires canadiens en Afghanistan aurait en effet une incidence positive sur le nombre d’enrôlements. De plus, l’armée se vante sur son site Internet de savoir être au bon endroit au bon moment pour approcher les jeunes : dans des foires ; dans les salons d’emploi ; à Expo Québec et… dans les écoles. En ce sens, les jeunes autochtones ne sont pas les seuls à être ciblés : partout au Canada, les militaires peuvent se présenter dans les écoles pour appâter des jeunes ou tout bonnement y laisser des tracts. C’est là une réalité scandaleuse et, à l’heure où le Canada devient de plus en plus un pays « va-t-en guerre », une réalité dangereuse.
Isabelle Baez
(1) Entrevue diffusée le 17 mars dernier sur les ondes de Redeye, Vancouver Cooperative Radio, 102, 7 FM.
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