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La forêt boréale : habitat du caribou ou réserve de papier-cul ?

RICHARD DESJARDINS ET ROBERT MONDERIE ont sonné l’alarme en 1999 avec leur film l’Erreur boréale, démontrant que les exploitants forestiers font la pluie et le beau temps dans notre forêt boréale.

 

En décembre 2002, la Vérificatrice générale du Québec, Doris Paradis, provoque une deuxième onde de choc, accusant le ministère des Ressources naturelles (MRN) d’avoir perdu le contrôle de la gestion de la forêt québécoise. Allons-nous réagir avant qu’elle ne soit complètement transformée en pâtes et papiers et en papier-cul ?

Un patrimoine à sauvegarder

La forêt boréale du Canada s’étend sur toute la longueur du pays, du Yukon jusqu’au Labrador. Elle s’insère dans une couronne verte qui encercle la planète aux latitudes élevées, de la Russie à l’Alaska en passant par l’Europe de l’Ouest.

C’est le plus vaste écosystème du pays, composé d’un mélange unique de conifères et de feuillus – pin gris, sapin baumier, bouleau et peuplier. Elle abrite diverses figures emblématiques de notre Grand Nord : le caribou des bois, le loup, le castor, l’orignal, l’ours noir, et comprend près de 200 variétés d’oiseaux, de canards migrateurs et d’oies.

Les forêts boréales du Canada et de la Russie renferment près de 40% de tous les stocks de carbone de la planète ; elles jouent par conséquent un rôle de premier plan dans la lutte contre les changements climatiques. L’ensemble des forêts boréales contient 80% de toute l’eau douce non gelée dans le monde. Au Québec, la forêt boréale représente 70% du couvert forestier (550 000 km sur une superficie boisée de 750 000 km). Plus de 90% de la superficie totale des forêts est du domaine public. Les entreprises forestières exploitent 70% du territoire de la forêt boréale, couvrant ainsi une superficie d’environ 340 000 km.

Chaque année, l’industrie forestière abat plus de 300 000 hectares de forêt au Québec et plus de 220 000 hectares en Ontario. Dans ces seules provinces, c’est l’équivalent d’une superficie forestière supérieure au territoire de l’Île-du-Prince-Édouard qui disparaît chaque année. Plus de 90% des étendues concernées font l’objet d’une coupe rase, certaines zones individuelles où on pratique la coupe à blanc dépassant parfois les 10 000 hectares, ce qui les place parmi les plus grandes étendues mises en coupe rase au monde. Certains prédisent que d’ici 25 ans, il ne restera plus rien dans la pessière noire (royaume de l’épinette noire) située au nord du 49e parallèle, parce que le Québec n’a aucune loi fixant des quotas de coupe dans cette portion de territoire.

La disparition de la forêt met en péril la survie des espèces qui l’habitent. Par exemple, la martre de Terre-Neuve et le carcajou sont déjà en danger de disparition, le caribou des bois est menacé et le loup de l’Est du Canada fait face à une situation considérée comme préoccupante.

La forêt fait vivre directement 100 000 personnes et des milliers d’autres qui occupent des emplois secondaires. Le chiffre d’affaires annuel global s’élève à 20 milliards de dollars canadiens. Notre bois est vendu majoritairement aux États-Unis – bois d’œuvre, pâtes et papiers divers (papier hygiénique, essuie-tout, papier journal, etc.). Les deux géants de la transformation du bois en papier œuvrent au Québec Scott Paper (propriété de Kruger) et Cascades. À eux seuls, ces manufacturiers représentent plus de 55% du marché canadien du papier.

Se donner bonne conscience

Il y a ici et là des exemples de bonnes pratiques forestières au Québec, notamment la forêt Montmorency, une sapinière boréale au creux du parc des Laurentides (environ 8000 hectares) gérée par l’université Laval. Aussi, la forêt du lac Duparquet, une pessière noire en Abitibi-Témiscamingue (également 8000 hectares), gérée conjointement par les universités du Québec et de Montréal. Ces centres de recherche démontrent qu’on peut exploiter convenablement la forêt, comme on cultive un jardin et suscite un petit espoir. Cependant, ces initiatives sont tellement limitées que le ravage forestier se poursuit à un rythme alarmant.

Les exploitants forestiers bénéficient du flou juridique qui règne au Québec pour couper à peu près autant d’arbres qu’ils le souhaitent sans risque d’être importunés par quiconque, ou presque.

Il se prélève seulement 27 000 hectares par année (sur plus de 300 000 hectares coupés) de bois certifié par le Forest Stewardship Council (FSC). Le FSC édicte les normes internationales de la gestion forestière écologique et certifie le bois coupé selon ses normes.

Que fera notre bon gouvernement et que retiendra-t-il des résultats de la Commission d’enquête sur la forêt qui devraient être déposés au printemps 2004 ? Le nouveau poste de vérificateur des forêts que l’on souhaite créer ne sera-t-il qu’un poste administratif de plus alors que notre forêt boréale va peu à peu se transformer en désert de souches pour qu’on puisse produire, entre autres, du papier cul et des bottins téléphoniques pour « faire marcher nos doigts ?

Que pouvons-nous faire ?

Bien des gestes peuvent être posés afin de sauvegarder la forêt boréale. Il n’y a aucune raison pour laquelle les consommateurs devraient se servir de papier hygiénique et de papier à lettre faits à 100 % en provenance d’arbres de peuplement ancien. Achetez des papiers recyclés, autant que possible 100% post-consommation. Recherchez le sigle FSC (Forest Stewardship Council) sur les produits en bois ou en papier. Et puis vous pouvez aussi vous rendre à Québec le 21 septembre et manifester votre mécontentement devant les grands bonzes de la foresterie.

CLÔDE DE GUISE

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