C’est bien connu : Le Couac ne recule devant rien pour vous informer ! C’est ainsi que nous avons cet été traversé l’Atlantique pour vous donner des nouvelles de Gorka Perea Salazar. Vous vous souvenez de Gorka ? C’est ce réfugié basque condamné à 7 ans de prison par la justice espagnole pour « incendie criminel » après avoir été accusé (puis acquitté) d’être membre de l’ETA. Le seul petit hic, c’est que les aveux qui ont rendu possible sa condamnation ont été obtenus sous la torture dans un commissariat de police espagnol… Même chose pour son ami Eduardo, qui lui écopait de 6 ans.
Gorka et Eduardo sont venus au Canada alors que leur cause était en appel et qu’ils avaient été relâchés. Ils ont alors déposé une demande de réfugiés politiques qui était en bonne voie d’être acceptée, mais qui a étrangement dérapé après une visite au Canada de Aznar (alors président du gouvernement espagnol). Quelques jours plus tard, la GRC a débarqué à l’aube chez Gorka pour l’embarquer. Après 2 ans et demi de prison à Rivière-des-Prairies, ils ont été expulsés (en juin 2005) et sont depuis détenus en Espagne.
Le Couac a donc dépêché ses envoyés spéciaux au pays de Don Quichotte pour y rencontrer Gorka. Il nous a fallu pour cela nous rendre en Castille, plus précisément à Villanubla, en banlieue de Valladolid. Là, près d’un petit aéroport, dans un nowhere déprimant et sous un soleil de plomb, on a trouvé la prison. En cette soirée d’août 2007, il y avait 7 détenus qui recevaient des visites. Gorka nous a rapidement appris que c’était la journée des prisonniers politiques. Les plus dangereux, comme il nous la rappelé avec un sourire narquois.
C’est un Gorka bronzé et pas mal moins maigre que dans notre souvenir qui est apparu devant nous. Nous l’avons félicité pour sa bonne mine. Il nous a confié qu’il était bronzé parce que, comme c’est le cas pour les autres prisonniers politiques, on ne le laisse sortir de sa cellule que 2 heures par jour, de 14h à 16h. On peut vous dire qu’à cette heure-là, en Castille, entre les quatre murs de ciment de la cour asphaltée, ça bronze dur ! Les autres détenus ont droit, quant à eux, à 6 heures de sortie (de 8h à 14h). Quant à la corpulence de notre ami, elle est due à la nourriture grasse servie en prison. Il a bien demandé un menu végétarien, mais bon, rien à voir avec le Commensal…
Pendant 40 minutes, nous avons donc pu voir Gorka et même le voir de très très près. En effet, la prison de Villanubla datant de Mathusalem, la communication s’est faite à travers une vitre et on a eu bien du mal à distinguer les premiers mots de Gorka. On lui a naïvement demandé si quelqu’un allait mettre le son, mais c’était avant de voir les minuscules trous dans la table devant nous. On a vite compris qu’il allait nous falloir brailler comme des veaux pour que Gorka nous entende ! On a donc passé la visite à s’époumoner à 3 centimètres de son visage pour arriver à communiquer.
À part le bronzage et les kilos, Gorka emmagasine aussi de la lecture, car il est le seul prisonnier à avoir refusé l’installation d’un poste télévision dans sa cellule. Quand on lui a demandé ce qu’on pourrait lui envoyer comme livre, s’il aimait la fiction, il nous répondu que sa vie des dernières années était en elle-même une fiction suffisante. On le comprend… Il préférait plutôt les essais, le Monde Diplomatique (qu’il lit en français), un livre sur la langue allemande (qu’il apprend) et même un livre sur le cerveau ! Et puis, il nous a confié qu’en fait il manquait de temps pour lire tout ce qu’il l’intéressait. Il manquait de temps… En prison…
Finalement, on a quitté notre ami Gorka un peu rassurés sur son sort parce qu’il était en apparence le même, vivant, volubile et toujours aussi curieux et allumé intellectuellement. Juste avant de partir, alors qu’on s’est enquis de ses projets pour « après », il nous a dit qu’il savait bien le travail qui l’attendait pour réapprendre à vivre à l’extérieur, ayant depuis longtemps quitté le cours « normal » d’une existence. Pour le moment, ses projets s’arrêtent là.
Gorka est censé sortir quelque part entre le printemps et l’automne 2008. Tout dépendra des relations entre l’ETA et le gouvernement espagnol. Vu les derniers développements en Espagne(1), on compte malheureusement plutôt sur l’automne 2008…
(1) L’ETA a mis fin à son cessez-le-feu depuis le 5 juin 2006 et a revendiqué 4 attentats commis récemment. L’ETA reproche au gouvernement socialiste d’être responsable de la rupture du processus de pays et d’avoir « cherché à désactiver le mouvement indépendantiste basque ». L’organisation séparatiste basque qualifie l’attitude de Zapatero de « dénuée de contenu politique, avec pour but final la défaite ».
ISABELLE BAEZ
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