Voilà que les camarades de la FEUQ et de la FECQ1 se fâchent contre « [l]es actes d’intimidation, de violence et de vandalisme perpétrés par des minorités virulentes ». Il faut comprendre ici qu’ils parlent des étudiant-e-s qui crient un peu plus fort et qui exercent une pression plus « visible » – d’ailleurs ces étudiant-e-s, dans le dossier du dégel des frais de scolarité, revendiquent davantage qu’une quelconque autre voie qui, finalement, ne serait qu’une capitulation à peine voilée (l’ASSÉ demande la gratuité scolaire2, par exemple). Pour le collectif, ces militant-e-s sont donc des éléments indésirables à éliminer – ou minimalement à faire taire – au plus vite.
Les signataires de la lettre sont même prêts à approuver la violence des forces désordres : « […] nous croyons tout à fait possible que certains abus des forces de l’ordre, rapportés par les étudiants, s’avèrent fondés. » Nous parlons ici de :
deux interventions policières dans la même journée dans une université (UQAM) – un scandale en soi – pour attaquer des étudiant-e-s exerçant un droit de grève, et d’autres tentant une occupation de leur université de façon pacifique (lundi le 12 novembre) ;
l’intervention des policier-ère-s qui brisent une baie vitrée pour évincer des étudiant-e-s d’un collège en utilisant matraque, poivre de cayenne et, selon certaines sources étudiantes, le controversé Taser3, en plus d’arrêter plus de 100 personnes (mardi le 13) ;
un policier qui pointe son arme sur un étudiant quelques heures après une manifestation (mercredi le 14).
Évidemment, les grands médiocres ont joué un rôle capital dans leur « analyse » : les signataires l’admettent en parlant de « la laideur des images […] passées en boucle ». Que ce soit en parlant d’une « séquestration » d’un Corbo – un prof, qui décide de ne pas respecter le piquet de grève des étudiant-e-s en sachant très bien de quelle façon ce sera perçu venant du seul candidat au rectorat de l’UQAM, termine « enfermé » dans un local à cause d’étudiant-e-s en sit-in devant la porte – ou de « Pot, Alcool et Grabuge » observés par un journaliste infiltré (une Grande Enquête du Faits-divers de Mourial !) : les médias ont, avec leur adresse habituelle, réussi à exagérer de façon absurde la « violence » étudiante – en montrant quelques graffitis ! – tout en minimisant au maximum la répression abusive et sauvage du SPVM.
Admettons un instant que les actions étudiantes étaient mal venues, peu stratégiques (c’est peut-être vrai), voire inutiles ou nuisibles. Il est possible de ne pas s’entendre sur les stratégies à utiliser ou de condamner certains gestes. Mais de là à affirmer que la violence étatique visant des collègues plus militant-e-s est « fond[ée] » ? Nous n’avons qu’à peine besoin d’imaginer ce qui devient justifiable lorsque cette logique est appliquée pour voir l’imbécillité d’un tel raisonnement.
Ce non-débat a une ressemblance troublante avec les évènements de 2005 qui avaient mené à l’exclusion de la CASSÉE4 des tables de négociation. Discréditer les plus radicaux par cet argument de violence alors que l’État l’exerce de façon exacerbée avec les forces désordres (et dans une guerre impérialiste en sol afghan) a toujours relevé du surréel – mais l’argument fonctionne bien une fois présenté dans les grands médiocres. Il ne date pas d’hier non plus, et l’impact de la mauvaise presse (il y a deux sens ici, et les deux sont pertinents) est ici bien visible.
En fait, ça a tellement bien fonctionné que les fédérations croient que les « étudiant-e-s viraux » prôneraient « la destruction du bien public » et des « dogmes sociaux », tout en souhaitant « imposer [leurs] opinions par la violence et par la force ». C’est, non seulement, absurde mais aussi franchement risible.
Le reste de leur torchon est sans intérêt : entre autres, ils proposent la création d’une « Commission parlementaire itinérante » qui montre clairement l’amour qu’ont les fédérations pour une bureaucratie qui ne servirait qu’à justifier des mesures s’attaquant directement à l’accessibilité de l’éducation !
Néanmoins, je propose une modification aux propos publiés dans Le Devoir du 19 novembre dernier :
« Les actes d’intimidation, de violence et de vandalisme perpétrés par [les forces policières] dans les établissements d’enseignement de l’Université du Québec à Montréal et du Cégep du Vieux Montréal sont déplorables. »5
Guillaume Beaulac
1. Ces associations, presque toutes des membres des deux grandes fédérations étudiantes (FECQ et FEUQ), ont signé un texte publié dans Le Devoir du 19 novembre en tant que « Collectif de fédérations et d’associations étudiantes » (six associations de la FEUQ, deux de la FECQ et de deux sans affiliation).
2. Cette revendication est plus réaliste que les grands médiocres nous le laissent croire : il suffit de consulter deux récentes études de l’Institut de Recherches et d’Informations Socio-économiques (IRIS) qui sont boudées par ce fan club de l’Institut Économique de Montréal (IEDM).
3. Une enquête est en cours suite au décès d’un homme à Vancouver. Robert Dziekanski est mort des suites de deux décharges d’une de ces armes « neutralisantes » déchargeant près de 50 000 volts. Robert Bagnell est une autre victime connue ; la famille de ce dernier a un blogue sur le sujet : .
4. La CASSÉE avait initié le mouvement de grève qui a mené à l’abolition de la coupure des fameux « 103 millions » dans l’aide financière à l’hiver 2005. La coalition avait d’autres revendications, mais celles-ci – les demandes des étudiant-e-s ! – ont été ignorées.
5. Déplorable est même très faible !
P.V.
Laisser un commentaire