Catégories
Articles

Ports méthaniers au Québec : un risque inutile

Énergie Cacouna, regroupant TransCanada Pipelines et Pétro-Canada, propose de construire un terminal d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) à Saint-Georges de Cacouna près de Rivière-du-Loup. Gaz Métro, Enbridge Inc. et Gaz de France ont un projet similaire, le projet Rabaska à l’est de la ville de Lévis. Le Québec a-t-il besoin de cet apport en gaz naturel dans sa filière énergétique ?

L’énergie bleue, pas propre, propre !

Moins polluant que le pétrole et le charbon, le gaz naturel (que gaz Métro a baptisé l’énergie bleue), liquéfié ou gazeux, n’est pas aussi « propre » qu’on tente de nous le faire croire. Le gaz naturel est constitué de produits émetteurs de gaz à effets de serre (GES) et de polluants atmosphériques.

La composition chimique des émissions provenant du gaz naturel est la même qu’il ait été converti en GNL ou brûlé directement à partir du gaz. Cependant, les procédés permettant de liquéfier le gaz naturel et de le transporter sont énergivores. Le processus appelé la « chaîne logistique du GNL », qui consiste à liquéfier le gaz naturel, à le transporter outre-mer, puis à le regazéifier, exige une consommation accrue en gaz naturel de l’ordre de 18 à 22 %. De plus, le CO2 initialement présent dans le gaz à l’état brut est susceptible d’être évacué dans l’atmosphère durant le processus de transformation.

L’impact combiné de l’évacuation du CO2 dans l’atmosphère au cours de la transformation du gaz, et de la pénalité énergétique inhérente à l’utilisation de la « chaîne logistique du GNL » auraient pour effet d’augmenter les émissions de 20 à 40 % par rapport aux émissions couramment produites à partir du gaz naturel obtenu de sources domestiques. Cette augmentation réduit substantiellement l’écart entre le charbon et le gaz naturel pour la production des gaz à effet de serre.

Potentiellement explosif

Le GNL est principalement composé de méthane, mais comme l’ont mentionné les promoteurs d’Énergie Cacouna, le GNL peut contenir du propane et du butane, hautement explosifs. Le GNL est un gaz inodore, incolore, non toxique, ininflammable, non corrosif et inerte selon les promoteurs. Le GNL est gardé à une température inférieure à -160 oC. À cette température, il est effectivement ininflammable. Toutefois, en cas de fuite, le GNL retrouvera son état gazeux très rapidement. Ce mélange de gaz, sous forme de nuage, est inflammable, en plus d’être toxique et hautement réactif. De plus, pour des raisons de sécurité, les installations doivent être érigées loin de la population. Ce qui n’est pas le cas puisque le port méthanier est à proximité du village de Saint-Georges-de-Cacouna.

Au fur et à mesure que se multiplient les projets de ports méthaniers en Amérique du Nord, les inquiétudes sont plus vives concernant les risques encourus. D’après une récente étude du Service de recherche du Congrès américain, les terminaux de GNL, les pétroliers et les oléoducs représentent des cibles de choix pour les terroristes. Cette étude souligne que le risque potentiel d’une attaque menée à l’encontre d’une installation de GNL constitue une « grave menace ». Quoiqu’une attaque terroriste n’ait pas encore été lancée contre un méthanier ou des installations de traitement de GNL, soulignons que des gazoducs, des oléoducs et des pétroliers ont fait l’objet d’attaques dans au moins six pays, incluant une action terroriste menée en 2002 contre le pétrolier français Limberg au large de la côte yéménite.

Les installations de traitement du GNL sont des cibles de choix parce qu’elles sont extrêmement voyantes et donc faciles à repérer. Parmi les dangers potentiels, il y a les incendies de nappes d’hydrocarbures qui surviennent lorsqu’un mélange combustible de gaz et d’air s’enflamme au-dessus d’une nappe de GNL résultant d’une fuite. Ces nappes brûlent avec une grande intensité, bien plus vite que s’il s’agissait de feux de pétrole ou d’essence, et dégagent une chaleur vive. Et, il y a consensus autour du fait que ce type d’incendie ne peut être éteint.

Selon James A. Fay, professeur émérite de l’Institut de technologie du Massachusetts, et expert éminent en GNL, un bateau bourré d’explosifs, comme celui que les terroristes ont utilisé contre le USS Cole en 2000 ou le pétrolier Limburg en 2002, provoquerait le déversement dans l’eau d’au moins la moitié de la cargaison et allumerait un puissant incendie. Au bout d’un peu plus de trois minutes, l’incendie pourrait se propager à plus d’un kilomètre du navire. Les responsables de la sécurité ne pourraient rien faire dans un cas pareil. Il n’y aurait pas assez de temps pour évacuer les gens ou pour neutraliser l’incendie. Comme ce fut le cas avec l’attaque dirigée contre le World Trade Center, il n’existe pas d’exemple pertinent de catastrophe industrielle impliquant un incendie de cette ampleur qui pourrait servir de précédent à partir duquel on pourrait projeter des mesures permettant d’assurer la sécurité du public.

Jerry Havens, professeur à l’université de l’Arkansas, spécialiste des incendies et des armes de destruction massive, se préoccupe surtout du manque de mesures de sécurité exigées pour le transport du GNL. Lors de son témoignage devant le sous-comité de la Chambre sur les Réformes énergétiques, le 22 juin 2004, il a expliqué que la possibilité d’un déversement de carburant par un méthanier pourrait exiger la création d’une zone d’exclusion de plusieurs kilomètres afin de protéger adéquatement le public tout en précisant que « la réglementation actuelle ne couvre pas les déversements d’un méthanier amarré aux installations. »

Le Québec n’a aucune raison de développer la filière du GNL ni à Cacouna, ni à Lévis. Pourquoi mettre les populations à risque lorsque celui-ci est inutile ? S’il faut développer des projets régionaux, trouvons des solutions plus écologiques et sécuritaires. Hydro-Québec a commencé à développé des projets éoliens d’envergure et la filière de l’efficacité énergétique refait surface. Bien sûr Hydro devra développer son propre champ de compétence dans l’éolien plutôt que d’allouer des contrats fort lucratifs au secteur privé.

Laisser un commentaire