Darren Ell présente du 12 octobre au 11 novembre prochains, une série de photographies qui redonnent à ceux que l’État nie en tant que personnes le contrôle de leur image.
Rencontré à Montréal où il a élu domicile, Darren Ell, originaire de la Saskatchewan, est un photographe bien particulier. À commencer par le type d’appareil qu’il utilise : une caméra 4 X 5 qui donne des négatifs quasiment aussi gros que la photo développée du commun des mortels. Ce format spécial permet à Darren d’agrandir les clichés de ses portraits jusqu’à dépasser la grandeur nature du sujet.
Et le sujet est politique. Darren a photographié des réfugiés palestiniens à Ottawa, la famille colombienne Vega (qui a vécu 600 jours dans un sanctuaire) Kader Belaouini (toujours réfugié a l’intérieur de l’Église St-Gabriel, dans Pointe St-Charles), Harkat, Jaballah, Almrei (accusés sous un certificat de sécurité), Farah Abdill et bien d’autres. Qu’ont donc en commun ces personnes ? D’être nulle part, ou plutôt d’être entre deux pays, d’où le titre de l’exposition Between States. Le gouvernement canadien refusant de leur accorder le moindre statut, si ce n’est, dans le cas de Harkat, Jaballah et Almrei, celui de présumés terroristes, ces immigrants et réfugiés vivent en effet comme en suspens, loin de la vie quotidienne des citoyens canadiens et ils ignorent tout de leur avenir.
Un geste symbolique
Les portraits de Darren retiennent l’œil, de part leur taille, bien entendu, mais aussi grâce à un détail récurent : nombre de personnes photographiées tiennent à la main le dispositif de déclenchement de la caméra. C’est que Darren a fait le choix de leur donner le contrôle sur leur photo. Ces migrants n’ont ici aucun droit et les médias ne projettent d’eux qu’une image impersonnelle ou inquiétante. Par la taille de ses photos et par le procédé qu’il utilise, Darren permet à ces méconnus de lancer un J’existe ! qu’il est difficile d’ignorer.
Ce n’est que quelques heures avant d’aller photographier les prisonniers détenus sous un certificat de sécurité que Darren a eu l’idée de créer cette collaboration entre le sujet et lui-même. Après s’être longuement creusé la tête sur la représentation qu’on peut faire aujourd’hui d’un présumé terroriste (l’angéliser, pour compenser tout ce dont on l’accable ou en rendre une image neutre ?), il a finalement décidé de placer la caméra sur un pied fixe et a laissé à chacun le choix de sa position, de son expression, etc. Il est même allé jusqu’à tourner le dos le temps de la photo. Et le résultat est tout simplement humain. Avec ce que ça peut représenter de dignité et d’émotion.
La photographie comme support et non comme fin
Darren Ell n’en est pas à ses premières armes dans la photographie sociale et engagée. Déjà, en 1997, il rapportait des images de la ville de Mexico. Et, en 2002 et 2003, il prenait des clichés en Israel, en Palestine, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Mais ses photos, aussi puissantes soient-elles, ne viennent pas seules : Darren les accompagne toujours d’un texte. Car la photographie sans explication, sans mise en contexte, ne l’intéresse pas. Son but est de nous informer, de nous inviter à travers ses images et ses mots, à découvrir un être, une cause, une réalité.
Alors, répondez nombreux à cette invitation et venez voir les 12 photographies de l’exposition, pour que se dissipe le voile que l’État s’évertue à tisser entre les citoyens et les migrants.
Between Sates Au centre de photographies actuelles, DAZIBAO Du 12 octobre au 11 novembre 2006 4001, Berri
Le 12 octobre, le vernissage sera précédé (à 18h) d’une discussion avec Sophie Harkat, conjointe engagée de Mohamed Harkat, libéré, tout comme Charkaoui, sous de très strictes conditions.
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