À moins que je ne me trompe, les soldats – envers lesquels nombreux parmi nous entretiennent une attitude paradoxale qui consiste à la fois à condamner leur mission en Afghanistan et à les soutenir en tant que gens de bonne foi faisant leur travail – sont des personnes majeures qui ont fait le choix de s’engager dans l’armée. Le service militaire, pour autant que je sache, n’est pas obligatoire au Canada. Il suffit de consulter les dépliants, catalogues ou sites Web reliés à l’armée et à son industrie pour conclure qu’elle et ses soldats ont une fonction principale : tuer, et ce efficacement.
Soutenir un soldat parce qu’il fait son travail c’est donc en quelque part soutenir son choix d’un travail dont la nature, en substance, est de tuer. Tuer pour protéger la nation, ne l’oublions pas, et nous avons tous une nation à protéger ou un jeune cousin à soutenir dans son travail. C’était un peu ce genre de soutien qui a fourni le contexte dans lequel chaque Nazi a pu faire son « travail ».
Ces personnes qui ont choisi de porter des armes à notre époque, qui ont choisi de se soumettre à une autorité dont le moyen est la violence et qui croient que c’est un travail noble ou une façon efficace de bien s’entendre entre peuples de par le monde, ont mon mépris pour ce choix, pas mon soutien. Un point, c’est tout.
Il existe plein d’autres manières de gérer (voire régler) les conflits internationaux, des manières bien plus efficaces et bien moins mortelles, comme nous le démontrent les sciences humaines, pour peu qu’on les étudie et les comprenne. Mais ce n’est pas le choix de nos dirigeants car la guerre, ça fait tourner l’économie, donc ça génère d’autres nécessaires emplois pour de sympathiques concitoyens à la fierté nationale et à l’hypothèque pesante. Qui plus est, de nombreuses compagnies font des profits en or ici à Montréal avec les guerres, donc avec le meurtre, les enfants soldats, les femmes de brousse, la terreur, la torture et toutes ces belles choses qu’implique l’exportation de la démocratie.
Bien sûr, il ne faut pas être benêt : la mauvaise foi, même la très mauvaise, existe parmi les humains et qu’il faut parfois lui faire face avec une arme. Chargée, de préférence. Il faut parfois se protéger ou résister à la violence et ce parfois violemment. Mais cette nécessité d’être armé perdure souvent justement parce que le militarisme domine comme modalité de politique étrangère. Moins d’armes produites en occident et vendues à gros profits à tout venant, moins de Ben Laden illuminés, moins de paramilitaires disjonctés ou d’adolescents traumatisés, dopés, utilisés comme arme eux-mêmes, pour demain nous tenir dans leur mire.
Le monde est MOINS en sécurité, moins ouvert à tous et toutes, moins tolérant, depuis que l’occident, au lieu de tenter de comprendre, a décidé de rétorquer à la claque sur la gueule qu’il a reçue le 11 septembre, sans parler des après-coups de Madrid et de Londres, et qui auraient dû lui faire prendre conscience qu’à cracher en l’air, ça finit par nous retomber sur la figure.
Il ne faut pas se surprendre que l’« autre » — qui au fond est « même » jusqu’à tout faire pour protéger ses territoires et ses enfants – se défende aussi et que l’abus et l’exploitation systématiques des autres mènent à des comportements quelque peu malpolis, osons mal adaptés, tels qu’attentats-suicides, kinappings, actes terroristes, et autres atrocités. Tous des actes désespérés de populations que NOUS avons poussées à bout.
Alors quand de surcroît on envoie nos soldats pour réprimer les tensions que NOUS avons causées, nous ne faisons que nous honnir nous-mêmes, nous couvrir d’indignité, nous appelons presque à la vengeance, mais il semble que jamais nous n’acceptions nos erreurs, la réciproque de nos abus, de notre colonialisme, la rétribution de notre attitude envahissante et méprisante.
Les soldats qui ont choisi comme carrière d’aller incarner cette arrogance toute kaki et fusil à la main, de se réduire à rien d’autre qu’au moyen des fins de nos « élites » peu scrupuleuses et avares, n’ont pas mon soutien dans leur inconscience. Ces gens sont trop jeunes pour comprendre les tenants et aboutissants de la politique internationale dont ils sont les pions dispensables, entraînés à se croire plus fort, à tuer et à voir leurs collègues être tués sans broncher, et non, leur travail, je ne l’acclamerai jamais ! Même nos fameux casques bleus ont commis des crimes et torturé alors qu’ils devaient apporter la « paix »…
La démocratie ne s’exporte pas et les soldats qui s’en vont l’imposer en violents missionnaires ne méritent pas mon appui. Qu’ils et elles s’en remettent au Dieu de Harper pour donner sens à leur mission, un Dieu qui s’y connaît en souffrances humaines et en favoritisme. Mais durant leurs parades, durant leur déploiement, pendant leurs moments de doutes, alors qu’ils et elles sont là, innocents ou coupables d’imposer les visées de leur civilisation mortifère, qu’ils et elles sachent que pour plusieurs Québécois, leur choix de carrière et l’opprobre de leur mission se confondent…
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