ALORS QUE LA SAISON DES IDÉES AVAIT ÉTÉ MORNE ET PLUVIEUSE, et que plusieurs animaux errent dans un brouillard morose en attendant que le frimas hivernal vienne napper les pensées, un front chaud soudain s’amène et vient réchauffer le climat idéologique québécois. C’est la saison des manifestes. La saison des manifestes est au débat politique ce que l’Été des Indiens est à la saison chaude. Plus courte, inattendue et vite oubliée.
Le canard boiteux et l’oiseau de malheur sont les premiers à percevoir le redoux si longtemps attendu. L’observateur aguerri peut alors les voir s’aventurer hors de la tanière flairant le « vent de droite qui vient du Canada anglais », de Sherbrooke et de Rivière-du-Loup. Le canard et l’oiseau marquent alors leur territoire en pissant dans la même direction que le vent.
Ensuite, excités par le climat torride, ils sèment à tous vents des idées reproductrices. Ils forment alors un groupe, les « lucioles » [1], voulant éclairer le Québec de leur faible lumière (dont ils veulent augmenter les tarifs). Il ne s’en dégage pourtant qu’une grande noirceur. Naît de cette fécondation une portée de vilains petits bâtards aigris envers leurs géniteurs et crachant sur l’héritage des générations passées.
Soudain, des marécages, s’élève un murmure diffus. Cela grouille, grenouille et scribouille. Ça y est le message est lancé. La basse-cour entière se met à caqueter, vagir, beugler, barrir, hennir et croasser. L’écosystème tout entier semble sur le point de se plier aux prophéties du canard boiteux. La meute péquiste, telle une poule sans tête, se trouve désemparée.
Dans ce tohu-bohu, un cri d’indignation et de résistance se fait entendre. Celui d’une framboise, rouge de colère avec raison. Elle appelle à une organisation de tous les fruits et légumes sous un même buisson. Malheureusement, la voici déjà mûre et molle et son manque de fermeté se fait sentir. Rapidement, l’indignation de son groupe, les « solitaires », se noie dans le sucré et dans un appel au savoir-vivre entre prédateur et proie, le tout sur l’air de Kumbaya.
Et voici la framboise, l’oiseau de malheur et le canard boiteux unissant leurs cris pour célébrer la force de la cacophonie générale qu’ils ont réussi à susciter. Épuisée et satisfaite, toute la nature commence déjà à s’endormir. Pendant ce temps, la loi de la jungle continue de prévaloir, et le plus faible est dévoré par le plus fort.
Porté par le vent des « lucioles », un jeune loup fier comme un paon prend la tête de la meute péquiste, s’assurant que tous hurlent dorénavant à son diapason. La discorde, les fausses notes et les couacs sont renvoyés à plus tard, lors du retour promis du souverain soleil. D’ici là, toute la basse-cour politique devra se ranger.
La saison des manifestes tire à sa fin, et les feuilles tombent dans l’oubli. Voici l’hiver qui s’amène et, malgré toute cette agitation, il aura été question, une fois de plus, de beaucoup de bruit pour rien. La floraison tant attendue de ces manifestes ne sera jamais advenue. Tout le monde en aura parlé, et rien n’aura changé.
Ô, comme il est loin le temps des cerises…
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