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Décapsulez-moi !

Il y a quelques semaines, la compagnie Molson, célèbre pour ses boissons jaune pimpant, a fait paraître, à l’idée d’une agence de putes, je veux dire pub, de Montréal, un calendrier promotionnel destiné au client-type de la compagnie : le Serge festif. En passant, si vous ne savez pas de quel calendrier je parle, comptez-vous chanceux.ses et allez plutôt réserver sans délai le calendrier des Alternatives 2009, des éditions du Mémento (http://www.lememento.com/). Je ne veux pas contribuer par ma critique, fusse-t-elle acerbe et fasse-t-elle mouche, à diffuser ce type de matériel, mais pour les curieux.ses, j’ai mis un lien à la fin qui vous expliquera le gros de l’histoire*. Mais laissez-moi d’abord exprimer mon indignation avant de me quitter d’un clic pour aller vous rincer l’œil.

Je vous annonce que la compagnie Molson est partie à la chasse au Serge. Le Serge québécois (Insignificus quebecensis) est une créature-poisson âgée de 18 à 34 ans, dont les principaux intérêts sont, selon les chercheurs, le sport, les voitures et – ce qu’il risque fort peu d’avoir s’il passe trop de temps à s’adonner aux deux premières choses – le sexe. Pour l’appâter, un calendrier de leurres cambrés imitant la séduction, attrait visuel sans plus. Chez Molson, à l’instar de la mousse dans le verre, on reste bien en surface : pas d’édition en braille de ces pitounes. Clairement, le Serge dont on veut faire un homme qui boit, est avant tout un homme qui voit.

Nombreuses femmes comme moi (autour de la quarantaine, avec enfants et/ou carrière, autonomes et essayant de consommer raisonnablement) sont excédées de ces enfantillages rétrogrades qui carburent à l’argent des jeunes Serges : nous passons à l’action. Dans mon cas, on parle de boycotter la grosse Mol tablette que je bois annuellement par nostalgie autour d’un feu de plage nord-côtière.

C’est pas grand chose mais j’en parle autour de moi ; il va en coûter de plus en plus cher aux compagnies de ne servir que ces fantasmes puériles à leur clientèle en ignorant l’impact de cette diarrhée publicitaire sur les non-Serge et sur les femmes du même âge. Elles sont aussi partie prenante de la société et en ont ras le pompon d’encaisser ces publicités réductrices à leur égard, sans parler de l’impact sur les plus jeunes garçons et filles, dont on pollue l’avenir en continuant de déverser, comme si c’était naturel, de telles images dans leur environnement.

C’est dans cet environnement que moi, mère indigne, ai eu la mauvaise idée de mettre au monde un enfant. Un petit cerveau tout neuf, l’esprit critique en herbe, nage dans une société où une multitude d’innocentes personnes qui-ne-font-que-leur-boulot – entretenir l’ogre capitaliste de la surconsommation – empoisonnent le paysage de la ville et celui, mental, de mon garçon et de ses ami.e.s du primaire.

J’ose croire qu’on a évolué au Québec, tous et toutes ensemble. Mais Molson, naguère figure de proue de notre culture rustre mais trinquante, longtemps propriétaire des Canadiens et ayant prêté son nom au temple du hockey (sic) préfère transmettre aux plus jeunes une idée dichotomisée et dépassée des rapports possibles entre les genres, le tout dans un contexte de sur-sexualisation de tout, partout, tout le temps. Et pourtant, les statistiques nous l’indiquent : collectivement on n’en reste qu’à cette semblance car dans l’intimité blastée d’images vides, on fait moins de bébés que jamais.

Ce qui me désole dans l’affaire, c’est l’inconscience de ces pauvres qui se montrent la moitié des fesses à la caméra et semblent y trouver de quoi être fières d’elles-mêmes. Décidément, on passe de drôles d’idées à nos filles, au Québec. Mais ce ne sont pas ces personnes – qui n’ont d’autre richesse que leurs mamelles ni de réflexion plus profonde que le réflexe de leur érection – qui m’indignent. Je n’ai aucune sympathie pour ce trip mais s’il plait à ces gars et ces filles, libres à ce beau monde de se stimuler à distance.

Ce sont les gens et les personnes « morales », les corporations brassicoles qui décident d’émettre ce matériel, qui font les frais de mon indignation. Car elles tirent profit de cette médiocrité et, l’entretenant, révèlent ainsi leur irresponsabilité, leur ignorance et surtout leur caractère délétère sur la société à laquelle ils ne contribuent aucunement, à laquelle ils ne participent pas mais dont ils profitent, comme des parasites ou comme un virus.

J’ose croire que je ne suis pas seule, que d’autres luttent vaillamment chaque jour, affrontant pour la vaincre toute l’influence sexiste sur nos enfants que collectivement nous acceptons comme étant le décor de nos vies urbaines. Chacune seule chez soi, contre les bataillons de psychologues, designers et créatifs des départements de pubs du marché global, nous œuvrons pour préparer à nos enfants un avenir d’ambitions et d’attraits autrement plus intéressants que ceux imaginés par l’industrie de la bière en général : tout en appât, rien substance, et sans aucune satisfaction …

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