Une sorte de désenchantement hante la politique progressiste actuelle au Québec, et pas mal de choses sont atteintes : la politique nationale elle-même, le souverainisme, la social-démocratie, et enfin un syndicalisme que les grands changements structurels de l’économie mondialisée désorientent assez.
Tout cela s’accompagne de la montée de la droite avec Harper, la réaction revenant en force, favorisée par ce qui est comme la fin de la Révolution tranquille.
La politique a horreur du vide. Le vide est rempli en ce moment par une grande vague de droite : par exemple les conservateurs, le populisme de Mario. Quant à Charest, il dissimule et attend son heure. Mais son parti est atteint. Voyez par exemple les résolutions de la jeunesse libérale québécoise réunie en congrès. À droite toute ! Je n’en croyais pas mes oreilles.
Pendant toute la Révolution tranquille, on n’imaginait pas ces éventualités comme possibles. On se croirait à l’époque de l’Union nationale, avec un PLQ ne s’orientant cette fois nullement vers des réformes, contrairement à 1960, alors qu’il préparait la Révolution tranquille avec d’autres groupements et diverses personnalités.
La politique est en grande partie passée aux mains d’individus hostiles à toute indépendance, de quelque nature qu’elle soit. On dirait par ailleurs que le Québec n’a plus guère de ressort. Quand une société n’a plus de mouvement propre, de pôle, alors s’installent des liquidateurs qui ne cherchent qu’à en aliéner des morceaux, comme Dumont, Harper et éventuellement Charest, qui au reste avait cette habitude avant de se confier à quelque fabricant d’images.
Ceux qui, comme eux, prennent avantage du climat déprimé du Québec progressiste font tout ce qu’ils peuvent dans ce sens pendant qu’ils ont le champ libre, et ils se hâtent. Harper excelle dans ce genre. Par exemple, en un rien de temps, comme un voleur qui part avec la caisse, il met sans retenue le Canada dans une politique de guerre et une super-politique d’armement, tandis qu’il se colle inconditionnellement aux Etats-Unis.
L’opération se fait sans douleur, comme si la population était anesthésiée.
Le Québec ne s’aperçoit pas que Harper, doucement, sans faire de vagues, liquide à la fois la différence canadienne par rapport aux USA et la différence du Québec par rapport au Canada.
Au Québec, nous sommes pour le moment dans un certain état de fatigue politique et notre résistance est amoindrie. Cela affecte non seulement la spécificité nationaliste québécoise mais même d’anciennes, profondes et historiques réactions comme celles que nous avions toujours face à la guerre et à la participation du Canada aux entreprises de l’impérialisme, jadis anglais, maintenant américain. Harper cherche à niveler tout cela sans faire d’éclats, évitant les éclats. Apparemment, jusqu’ici, ce n’est pas sans succès.
Il a d’ailleurs un allié silencieux en ce qui concerne la politique de guerre : le parti libéral fédéral. Même le Bloc a des positions moches à ce sujet, pour dire le moins. Le Québec, cuisiné par ce qui reste de l’ADQ, et par le parti conservateur, et par le parti de Dion, est présentement en état d’asthénie.
Nous sommes dans une période creuse. Le conformisme réactionnaire se répand, prend racine. Cela pourrait durer. On ne voit pas très bien, en ce moment, comment arrêter cette dérive, ni dans quelles circonstances.
Pierre Vadeboncoeur
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