UNE RÉCENTE PUBLICATION DE LA CHAIRE D’ÉTUDES SOCIO-ÉCONOMIQUES DE L’UQAM S’INTITULE : L’autre déséquilibre fiscal. Le déplacement du fardeau fiscal des compagnies vers les particuliers au cours des dernières décennies. Dans une publication intitulée : La défiscalisation des entreprises au Québec est un mythe. Pour aller au-delà de la croyance populaire, Pierre Fortin et des chercheurs de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke contestent chacune de ses huit affirmations.
Voyons de plus près cette controverse, en reprenant quelques-unes des affirmations des uqamiens et les arguments avancés par le groupe de Sherbrooke pour les contrer.
1ère affirmation : Les profits des sociétés augmentent plus vite que la rémunération salariale des particuliers.
Le groupe Fortin argue que l’année de comparaison (1982) est une année de faible conjoncture économique et que cela ne permet pas une juste comparaison.
Mais en ce cas, considérons l’année 1986, qui n’est pas une année de faible conjoncture économique.
Selon l’Institut de la statistique du Québec la rémunération des salariés est passée de 63 591 millions $ en 1986 à 137 470 millions $ en 2004.
Au même moment, cependant, les bénéfices des sociétés avant impôt sont passés de 8 547 millions $ à 27 778 millions $. Le PIB, quant à lui, est passé de 94 890 millions $ en 1986 à 211 993 millions $ en 2004. Ce qu’on peut représenter comme ceci :
Conclusion ? On ne peut pas retenir l’argument que la comparaison est faite avec une année non comparative. On peut même conclure que les bénéfices des sociétés ont connu une croissance presque deux fois plus grande que la croissance de la rémunération des salariés et que celle du PIB.
2ème affirmation : Les gouvernements taxent de moins en moins les profits des sociétés.
Le groupe Fortin affirme que les calculs de l’UQAM ne tiennent pas compte de la fiscalité provinciale et que la baisse du fardeau des impôts basés sur le capital investi accordé par le gouvernement fédéral a été plus que compensée par une hausse de celui du gouvernement du Québec, de sorte que le fardeau global, fédéral et provincial, a en fait augmenté.
Pourtant, selon Investissement Québec (La Fiscalité au Québec 2006. Des mesures favorables à l’investissement) le taux d’imposition des revenus d’entreprise au Québec est de 9,90% et c’est le taux de 22,12% du fédéral qui fait augmenter la note. Cela contredit drôlement l’affirmation du Groupe Fortin. De plus, le taux québécois n’inclut pas les nombreuses mesures fiscales qui sont offertes aux investisseurs – on les retrouve dans la publication sous la rubrique … « La fiscalité comme source de financement ». Cette étude, à elle seule, fournit plusieurs raisons de croire que le Québec est presque un paradis fiscal pour les entreprises.
3ème affirmation : En 1991, le Gouvernement fédéral a aboli sa taxe de vente défrayée par les entreprises (l’ancienne TFV) pour la remplacer par une nouvelle taxe de vente (la TPS actuelle), à la charge des particuliers.
Le groupe Fortin, nous donne comme argument que l’ancienne taxe était elle aussi entièrement supportée par le consommateur. La belle affaire ! De plus, ils assurent que plusieurs produits et services qui n’étaient pas taxés avant le sont maintenant et s’ajoutent à la hausse totale qui est encore pour les particuliers.
Il est vrai qu’on ne peut pas affirmer que le fardeau de cette taxe est passé des poches des sociétés à celles des particuliers. Par contre, on peut dire qu’encore une fois c’est la proportion des recettes du gouvernement provenant des particuliers qui a augmenté.
4ème affirmation : Les impôts des entreprises pèsent de moins en moins lourd dans les revenus fiscaux des gouvernements, de même que dans le revenu intérieur total du pays.
Le groupe Fortin affirme ici que, depuis 45 ans, la contribution totale des entreprises aux recettes de l’État n’a pas varié : elle reste à une proportion de 19%.
Accordons-leur que le poids des impôts des entreprises n’a pas varié depuis 45 ans. Cela revient à leur accorder qu’il n’a jamais pesé lourd !
De plus, pour arriver à ce faramineux chiffre de 19%, Fortin et al. ont tout mis ce qu’ils pouvaient : ils ont inclus les cotisations à l’assurance-emploi, à la CSST, au RRQ et au Fonds de santé, qui sont des dépenses déductibles pour l’employeur et qui génèrent une économie d’impôt qu’ils n’ont sûrement pas déduite.
Par contre, l’impôt des particuliers pèse plus lourd – et on ne tient même pas compte des autres taxes que les particuliers doivent payer. Selon des données récentes, la part relative des impôts des particuliers dans les recettes totales est de 31,2% en 2004 et de 31,1% en 2003.
5ème affirmation : La majorité des entreprises québécoises ne paient pas un sou d’impôt.
Le groupe Fortin affirme que des 146 378 entreprises qui ne paient pas d’impôts, 56% ont des pertes d’entreprise : il est donc normal qu’elles ne paient pas d’impôt.
Cependant, les mêmes données montrent que 36% de ces entreprises qui ne paient pas d’impôts ont un bénéfice net positif aux états financiers. Ce n’est donc pas qu’elle ne font pas de profit, mais bien qu’au moyen de certaines déductions elles évitent tout simplement de déclarer ces bénéfices.
Il est vrai qu’il est logique de ne pas payer d’impôt si on n’a pas de revenu ; mais il faut rappeler ici que les entreprises peuvent reporter les pertes d’une année pour diminuer le revenu imposable d’une année antérieure ou subséquente.
Les autres arguments sont de la même farine. Concluons donc. Contrairement à ce qu’affirment Fortin et ses collaborateurs, les entreprises, au Québec, vivent dans un vrai petit paradis… fiscal.
CHANTAL SANTERRE
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