La conjoncture géopolitique actuelle de l’Iran est tissée par les tensions entre une théocratie despotique et la menace d’une intervention impérialiste menée par les États-Unis.
Face à cette réalité, les divers mouvements des courants anti-guerre et anti-impérialistes de l’Occident prêtent une attention disproportionnée aux menaces impérialistes. Ainsi, certains sympathisent avec le régime iranien comme bastion contre cet impérialisme, d’autres s’opposent au régime mais évitent toute critique active de celui-ci, par crainte d’être repris dans les discours de la droite ou récupérés par elle stratégiquement. Inversement, des pans de la diaspora iranienne ont orienté leur opposition seulement contre le régime iranien. Au lieu de s’opposer à un seul de ces vecteurs, une compréhension équilibrée doit chercher à explorer, critiquer et résister aux deux.
L’Iran, à l’image de plusieurs autres nations, est constitué d’un mélange complexe d’incongruités et de différences. En plus des identités dominantes, l’Iran regroupe au moins 18 langues, religions et ethnicités. Les près de 70 millions de personnes qui forment la population iranienne (sans compter 1,9 millions de réfugié·e·s Afghan·e·s), loin de former un bloc monolithique, partagent pourtant une réalité commune : celle de la tyrannie du régime islamique.
L’Iran d’aujourd’hui trouve ses racines dans les événements de 1953, lorsque la CIA réinstituait Muhammad Reza Shah afin qu’il agisse en tant qu’allié principal et servile des États-Unis dans la région du Golfe. Pendant le rétablissement du règne répressif du Shah, l’Iran devint aussi le principal fournisseur des États-Unis en pétrole accessible et à rabais ainsi qu’un acquéreur important d’infrastructures et de technologies militaires, y compris nucléaires.
En 1979, se fondant sur des décennies de résistance, de larges pans de la société ont participé à la monumentale révolution iranienne. Défait, Muhammad Reza Shah quitta alors le pays le 16 janvier. Néanmoins, ce qui avait débuté comme l’initiative radicale d’une large base, supportée et développée par des millions de personnes, fut détournée par le leadership islamiste à qui on avait confié sa direction.
Après le départ du Shah, l’Ayatollah Khomeini transforma la révolution populaire en tyrannie, pour former la République islamiste de l’Iran. Le régime clérical put arriver à ses fins en instrumentalisant deux événements marquants : la crise des otages de l’ambassade étasunienne (1979-80) ainsi que le brutal conflit Iran-Iraq (1980-88).
Khomeini profita de cette guerre pour réprimer brutalement toute agitation interne sous prétexte de « sécurité nationale ». En parallèle à cette répression, et à l’avant-plan des efforts du régime pour contrôler la contestation populaire, une campagne de propagande active fut menée, visant à stimuler la fierté nationale et faisant la promotion de la notion de martyre. La même propagande, faisant appel à l’imagerie et au langage de la période Khomeini, est toujours à l’oeuvre en Iran.
Après un peu moins de deux décennies de reconstruction et de réforme inachevées sous la gouverne des présidents Ali Akbar Hashemi Rafsanjani (1989-97) et Mohammad Khatami (1997-2005), les Iranien-ne-s se rendirent aux urnes le 25 juin 2005. Cette élection mena à la présidence le populiste conservateur Mahmoud Ahmadinejad. Bien que l’Iran ait l’aspect d’une démocratie, avec un président élu et un parlement, le pouvoir ultime réside entre les mains du « Chef Suprême » et de quelques organes étatiques contrôlés par le clergé : les branches judiciaires, le Conseil des gardiens de la constitution et le Conseil Exécutif. En fait, les stratèges de la politique étrangère des États-Unis, toujours en quête d’un changement de régime, ont exagéré le pouvoir, pourtant limité, d’Ahmadinejad (par exemple, il ne contrôle ni l’armée, ni la politique étrangère).
L’invasion et l’occupation criminelles de l’Afghanistan et de l’Iraq par les États-Unis et leurs alliés, dont le Canada, sur les flancs est et ouest de l’Iran, ont permis au régime islamique de tirer avantage d’un nationalisme en déroute. Dans la foulée de la doctrine Bush et du tristement célèbre discours référant à l’« Axe du Mal » (2002), les visées étasuniennes de contrôle stratégique au Moyen-Orient, dont l’Iran est un élément-clé, se sont révélées plus clairement que jamais. Le bloc conservateur iranien a reconnu dans la posture agressive des États-Unis un moyen opportun de propulser le nationalisme et de dissimuler la répression interne.
Avec la moitié de sa population âgée de moins de 24 ans, la situation démographique de l’Iran, juxtaposée au chômage pandémique, à l’inflation et à la pauvreté croissante, génère l’égarement et soulève la contestation d’un grand nombre d’Iranien-ne-s, particulièrement parmi les jeunes. Dans sa tentative de contourner cette réalité, le régime continue de militariser la pauvreté, en absorbant les jeunes et les pauvres dans les différentes branches militaires (Pasdaran, Basijj et Hezbollah).
Nonobstant que toute intervention forcée puisse être dangereuse pour quiconque habite en Iran (et doive être interprétée comme faisant partie d’une longue histoire d’agressions impérialistes, fondée sur des siècles de colonialisme brutal), une telle engeance nuira assurément à l’interne au travail résilient, notamment, des mouvements ouvrier, étudiant et des femmes, en offrant au régime davantage d’occasions de répression de la résistance au nom de la sécurité nationale.
Par une complicité indirecte, les États-Unis et la République Islamiste collaborent pour faire taire les voix du changement au sein de l’Iran. Pour quiconque est au fait des réalités impérialistes et coloniales du passé et du présent de l’Iran, ainsi que de l’intolérable tyrannie de la République Islamiste, l’alternative ne se pose pas : il est urgent de dénoncer le régime iranien comme l’impérialisme étasunien et de résister à chacun avec autant d’empressement.
Traduit de l’anglais par LoCa Noregreb
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