La ferveur admirative avec laquelle Lysiane Gagnon défend l’ordre économique semble être proportionnelle aux désordres intellectuels caractéristiques de son statut de journaliste. Quelques heures avant Noel, elle nous en a fait encore la convaincante démonstration, cette fois par un liturgique et inquiétant « éloge du commerce ». Après nous avoir professé que c’est par « amour » que les Québécois rappliquent dans les nombreux centres d’achat de la province, et ce, malgré les mauvaises nouvelles économiques, le froid et la neige, la journaliste affirme, avec une éloquence produisant une espèce de petit écho irritant :
« La simplicité volontaire à laquelle en appellent de bons apôtres est un mode de vie qui peut plaire à certains originaux. Il y a encore des gens qui croient que les humains vivaient mieux à l’âge des cavernes, ou à l’époque où nos ancêtres s’échinaient sur des terres de roche alors que leurs femmes se faisaient déchirer les entrailles par des grossesses à la chaîne tout en lavant le linge à l’eau froide et en se levant à l’aube pour faire le pain. Mais la simplicité volontaire, un concept néo-puritain revenu à la mode à la faveur de la crise financière, n’est pas dans la nature humaine. »
Sans le commerce, chers lecteurs aux doigts noircis par La Presse, nous vivrions encore de la chasse et de la pêche, trimerions dur pour la reproduction de l’espèce et, comme si ce n’était pas assez, laverions notre linge à l’eau froide. Heureusement pour nous, Dieu a créé l’homme à son image et l’a fait… commerçant.
Depuis la « nuit des temps », toujours selon la bienheureuse Lysiane, le commerce nous a permis de découvrir le vin, l’huile d’olive, la laine, les statuettes de bronze… C’est d’ailleurs lui qui est à l’origine de la plus belle invention qui soit : l’écriture. Sans ses « contrats et ses bilans comptables » tracés dans la glaise de la Mésopotamie, qui sait ce que serait aujourd’hui l’humanité ? Elle n’aurait pas de poésie, pas d’histoire, ni de littérature. Elle en serait sans doute encore aux grognements primates et à la danse de la pluie. Un peu plus et la Lysiane nous apprend que c’est le commerce qui explique l’évolution bipède des humains… puisqu’à quatre pattes il est impossible de se déplacer les bras chargés de sacs de magasinage.
Conformément aux préceptes du temple, Lysiane nous enseigne également que les achats de la classe moyenne sont « rarement extravagants », qu’ils sont « entièrement dominés par le souci de l’autre » et par le « désir de rendre ses proches heureux ». Les files d’attente dans les centres d’achat ? Rien de moins que des « expéditions amoureuses » destinées à faire le bonheur des enfants.
Lysiane a également une pensée pleine de compassion et de charité envers les païens égarés par la critique. Comment, en effet, croire qu’il soit possible que nous n’ayons « plus besoin de bijoux, de parfum, de livres d’art et de vin mousseux » ? Ce qu’ils doivent être malheureux, les pauvres… Que font-ils du « plaisir », de l’« émotion » et du « désir très humain de séduire » que nous offrent le commerce et la consommation ? On imagine Sainte-Lysiane, le regard fou, sous quelques guirlandes, à boire du champagne, priant pour que l’humanité en quête de sens ouvre enfin son coeur aux riches et multiples marchandises divinement concoctées pour son bonheur.
Marc-André Cyr
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