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La très grande classe du Canadien

La très grande classe du Canadien

Du matériel « pédagogique » à l’effigie du Canadien de Montréal circule actuellement dans les classes au Québec. Subventionné à hauteur 125 000 $ l’an dernier et 128 000 $ cette année par le Ministère de l’éducation, du loisir et du sport, la ministre Courchesne a soutenu que ce matériel produit par une société privée ontarienne ne constituait pas de la publicité, ni de la promotion pour le club de hockey et que la subvention visait à souligner le 100e anniversaire du club cette année. Pas un journaliste n’a osé demander : « Pourquoi donc l’avoir également financé l’an dernier Mme Courchesne ? Pour leur 99e anniversaire peut-être ? » En somme, les médias en ont largement parlé sans toutefois vérifier qui est derrière cette campagne et surtout, sans s’attarder à la qualité de ce matériel « pédagogique ». Dans un texte publié dans le numéro précédent, un collaborateur à ce canard décrivait l’insignifiance d’un spectacle très lucratif de Disney produit au Centre Bell par le Groupe Gillett. Or, en plus de ce groupe, George Gillett possède aussi le Canadien de Montréal valant environ 334 millions $. Les machines à fric tentaculaires carburant aux produits dérivés, George Gillett semble bien les connaître. M. Gillett a donc retenu les services de Paton Publishing dont le slogan « Thinking young » (disponible sur le ouaibe) laisse peu de doute sur leurs réelles motivations. Sur leur site, on trouve une équation bien révélatrice de leur créneau : la photo d’un jeune homme à laquelle on additionne les produits de Paton égale « Youth Experts ». Avec des clients comme Hasbro, Pizza Hut, Reese’s (General Mills), Lego et M & M, on avale difficilement l’argument selon lequel cette compagnie ne cherche pas à vendre des enfants à des compagnies privées ultra lucratives. En clair, cette entreprise se spécialise dans l’expertise ciblant le marché des jeunes consommateurs. En parcourant le site www.canadiensatschool.com, on saisit l’ampleur de cette arnaque publicitaire. Dans la section « Parents » du site, on trouve des jeux dont certains demeurent relativement éducatifs, un coin aux devoirs et un coin de lecture. Lutte au décrochage ?

Dans un document pour les enfants visant l’aide aux devoirs, il est écrit : « Lorsqu’il aura terminé sa carrière dans la LNH, [Christopher Higgins] compte se réinscrire à Yale pour obtenir le diplôme qu’il n’a pas eu le temps de compléter avant d’être recruté par les Canadiens. » Dans le document s’adressant aux parents pour l’aide aux devoirs, cette information sur le décrochage de Higgins disparaît tout bonnement. Comme quoi expliquer aux enfants les bonnes raisons de décrocher doit s’avéré rentable pour des propriétaires comme Gillett. La majorité des documents exposent en filigrane la glace du Centre Bell où on peut évidemment y observer une publicité pour Bell au centre de la patinoire. Dans le coin de lecture, on peut télécharger cinq histoires version « débutant » ou « avancé » mettant en vedette des joueurs du Canadien. En somme, de trop banales histoires tournent à l’entour du rôle des joueurs, du respect des règles établies, de la discipline, de l’effort individuel et du travail d’équipe. La version « avancé » compte généralement une phrase ou deux de plus que la « débutant ». Si le but visait à encourager la lecture chez les jeunes, il est permis de penser que le concepteur de ces histoires ne possédait pas les compétences requises pour atteindre cet objectif. Du fait que les pages de l’histoire de Mike Komisarek ait été mélangées à la mise en page et que le tout se soit retrouvé tel quel sur leur site ouaibe, on sent l’amateurisme qui se dégage de cette initiative pseudo pédagogique. Au final, croire que le Canadien désirait réellement publier du matériel pédagogique tient d’une naïveté sans borne. Même un enfant le voit facilement. Si tel avait été leur but, on aurait eu droit à de réels outils pédagogiques sans le logo du club, le contenu aurait réellement aider les écoles dans leur mission et Gillett n’aurait pas demandé plus d’un quart de million de dollars au Ministère de l’éducation, du loisir et du sport, somme considérable qui aurait pu réellement servir à financer autrement le secteur public.

Aider les enfants à réussir à l’école avec ce matériel équivaut à aider les enfants à gérer leurs finances avec Vincent Lacroix de Norbourg. Apprendre à compter et à écrire le français aux enfants par le biais d’une campagne de séduction publicitaire, sachant que le hockey stimule la compétition, la violence, les comportements machistes et le décrochage scolaire chez les garçons, revient à mettre encore plus de l’avant un système d’éducation dont le rôle consiste à endoctriner la population et ce, par tous les moyens nécessaires. Parce qu’après tout, le capitalisme n’a besoin que de producteurs, de consommateurs et de spectateurs.

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