Les tergiversations relatives à la crise financière mondiale actuelle laissent plusieurs personnes perplexes. Quelques observations factuelles pour mieux la comprendre.
Pour comprendre l’économie, pensons à une tarte que nous séparons entre nous. Plus les gens en veston-cravate prennent de parts, moins il en reste pour les autres. Puisque cette tarte n’est pas infinie, la richesse outrancière des uns devient donc la pauvreté des autres.
Depuis plus de 20 ans, le système financier virtuel, la bourse et tous les placements dérivés, a engouffré une part importante de cette tarte, part supposée servir l’économie réelle, détournant ainsi des sommes importantes vers la spéculation, l’économie de casino.
Depuis plusieurs années, pour garder le rythme des rendements élevés à plus de 10 %, les maîtres ont tout tenté. Les penseurs du système financiers, les valets des maîtres, ont ainsi créé toute sorte de produits financiers risqués, des produits spéculant sur la spéculation, des inventions encore plus dingues que la bourse elle-même. Parce qu’il fallait être tout de même un peu dingue pour penser à une institution comme la bourse qui allait concentrer tant d’argent et influencer l’économie réelle au point où la crise de la partie virtuelle de l’économie allait entraîner l’économie réelle dans son sillage. Ce n’est pas tant l’économie qui est malade mais l’idée et l’expectative de profits que certaines personnes se sont faites de cette économie.
Au fil des ans, l’indécente concentration de la richesse a mené où nous en sommes. Les riches possèdent de plus en plus d’argent au point de ne plus savoir trop quoi en faire, au point où ils ne trouvent plus de débouchés sûrs pour investir leurs capitaux. Ce faisant, suivant la logique de posséder toujours plus, leur argent a abouti dans des investissements et des placements de plus en plus risqués, dans des culs-de-sac financiers non rentables mettant tout le système en péril. Combien d’hypothèques risquées ont été offertes à des ménages qui n’en avaient pas les moyens ? Combien d’offres de cartes de crédit avez-vous reçu ces dernières années alors que vous étiez déjà plus qu’endettés ? Des centaines de milliers de personnes vivent les mêmes réalités financières liées à la surconsommation et au surendettement. Le jour où tous ces gens ne pourront plus payer les compagnies de crédit, les banques et les autres prêteurs, il est certain que l’économie ira mal. Très mal en fait.
Tout ceci au même moment où les autres compagnies, les pétrolières entre autres, tout aussi gourmandes que les banques, ont décidé d’augmenter leur marge de profit en augmentant leurs prix. Même scénario pour la nourriture avec la « crise alimentaire » et le logement avec ses coûts faramineux et la crise qui dure depuis près de dix ans au Québec. En fait, disons-le : il semble facile de trouver un logement au Québec. En trouver un abordable tient toutefois du miracle. Dans la dynamique qui se dessine devant nous, tous les biens et services essentiels à la vie, ceux qui rendent captifs, risquent de suivre cette même logique.
Le résultat de l’augmentation du prix du pétrole ne pouvait être plus simple : puisqu’à peu près tout ce que nous consommons contient une portion du prix en transport ou du plastique ou des dérivés pétrochimiques, donc du pétrole, tous les prix de tous les biens ou presque ont augmenté, dont ceux des produits de base, ajoutant ainsi une augmentation additionnelle à celle imposée sur les denrées de base. Les conséquences immédiates sont logiques : les ménages déjà surendettés ont dû couper dans leur surconsommation, pilier du système capitaliste, pour ne garder que l’essentiel dans leur panier de consommation.
Aux Etats-Unis, à cause d’une baisse marquée du prix des maisons, certains ménages ont carrément déclaré faillite et rendu les clés de leur maison à la banque. Il faut comprendre que des propriétaires ont vu l’évaluation de leur maison chuter drastiquement. Par exemple, un ménage payant une hypothèque de 280 000$ sur une maison valant au départ 300 000$ désormais dévaluée à 200 000$ n’a pas du tout intérêt à poursuivre ses paiements sur un prêt de 280 000 $. Plusieurs personnes ont donc remis leurs clés à la banque. Quelques temps après, ils ont acheté une autre maison dévaluée d’une banque ayant aussi reçu les clés de leurs anciens propriétaires. Ils se retrouvent donc dans une maison comparable sauf qu’ici, la banque a dû assumer la perte entre la valeur restante du prêt et la valeur réelle de la maison à la revente. « Bien bon pour les banques » se disent certaines personnes. Erreur. Les milliards d’argent public réclamés et placés dans divers fonds pour sauver les banques provenaient des poches des gens les plus pauvres, celle et ceux qui paient réellement des impôts. Et cet argent a servi à éponger les pertes liées aux prêts risqués sans résultat concret parce que ce fric est remis aux banques qui ne savent pas plus qu’auparavant où l’investir actuellement, les marchés financiers demeurant incertains et l’économie réelle ne donnant plus aux bourses du monde des perspectives économiques rassurantes.
Résultat de tout ceci : l’économie de casino – la bourse –, va toujours aussi mal puisqu’elle fait converger toutes ces informations à un peu plus long terme qu’à ses habitudes. Et plus la majorité des gens vont réduire leur consommation par peur d’être victime de la crise, de perdre leur emploi, pour garder le peu d’argent qui leur reste « au cas où », plus les mises à pieds massives risquent de se multiplier. Hier, les trois grands constructeurs nord-américains de voitures se trouvaient au bord de la faillite, aujourd’hui, la Citygroup met 50 000 personnes à pieds. Et plus de mises à pieds et de chômeurs veut également dire encore moins de surconsommation et, donc, la présence d’un cercle vicieux menaçant sérieusement l’économie mondiale.
Pour plusieurs raisons évidentes, il est vrai que l’on ne peut comparer les deux époques mais en 1929, l’effondrement de la demande avait créé le même cercle vicieux. Et, actuellement, nous assistons au début d’un acte qui ressemble étrangement à tout ceci.
Dans les médias complaisants, nous entendons déjà la voix des maîtres qui nous préparent psychologiquement à faire face à la musique, à assumer le poids de leurs erreurs. Il n’en demeure pas moins que le système capitaliste ira, un jour ou l’autre, jusqu’au bout de ses contradictions. Espérons qu’autre chose naîtra de cette crise mondiale à la place des réformettes proposées, de cette fuite toujours plus rapide vers l’avant et des vœux pieux que prononcent déjà les Bush, Sarkozy et autres imbéciles de ce genre.
Martin Petit
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