Lorsque Adil Charkaoui s’est installé au Québec en 1995, il ne se doutait certainement pas que deux jugements de la Cour suprême porteraient un jour son nom. Il ne se doutait certainement pas non plus qu’il se retrouverait en prison, qu’il en ressortirait près de deux ans plus tard avec le vocable « présumé terroriste » étampé sur le fond de culotte et un bracelet GPS accroché à son mollet.
Mais se doutait-il de ce qui l’attendait en ce 24 septembre 2009 en Cour fédérale de Montréal ? Ce jour-là, le bon sens a enfin pris d’assaut le tribunal. Exit les délires des procureurs. La juge Tremblay-Lamer a en effet d’emblée envoyé promener les tentatives de la Couronne de présenter des documents pour que le certificat de Charkaoui soit maintenu. Elle a ensuite annoncé que le certificat devrait être annulé et Charkaoui, libéré.
Dans l’absolu, une telle entrée en matière de la part de la juge n’a rien d’étonnant. On ne saurait en effet continuer à accuser quelqu’un d’un crime lorsque les preuves au dossier sont retirées les unes après les autres. Comme le soulignait le 24 septembre dernier l’une des avocates de Charkaoui, au criminel, si les preuves qui justifient l’accusation d’une personne disparaissent du dossier, il n’y a plus de dossier. Élémentaire, mon cher Watson.
Mais dans le cas qui nous occupe, on n’est pas au criminel, mais cet inextricable labyrinthe qu’est la sécurité nationale. Les certificats ont été déclarés non constitutionnels en Cour suprême. Les entrevues originales sur lesquelles étaient basés les soupçons de terrorisme ont été détruites. Tout dernièrement, l’avocat général du SCRS a concédé que le dossier ne pouvait être qualifié de fiable et de complet. Malgré tout cela, il aura fallu plus de 6 ans pour le château de cartes s’effondre et que Charkaoui retrouve sa liberté.
À présent, si la justice et si les médias faisaient honnêtement leur travail, c’est chacun des 4 certificats de sécurité restants qui serait passé au crible et le cas Charkaoui deviendrait un précédent. Car Harkat, Almrei, Jaballah et Mahjoub sont tous officiellement soupçonnés de terrorisme, mais tous sont sortis de prison – même s’ils vivent à présent dans la geôle qu’est devenu leur domicile. Si les preuves contre eux étaient convaincantes, les aurait-on sortis un après l’autre de la coûteuse prison de Millhaven ?
Reste donc à savoir combien de temps le gouvernement prendra pour avouer que le roi est nu. Un temps qui risque d’être long si l’on en croit sa joyeuse politique de l’autruche, que ce soit avec Arar, Abdelrazik ou Mohamud. D’après vous, combien de millions de dollars va-t-on finalement payer l’impunité du gouvernement conservateur et de ses sous-fifres ? Les paris sont ouverts. Peut-être qu’on aura droit à un spécial pour les 5 ?
ISABELLE BAEZ
Au moment d’aller sous presse, on apprenait que Charkaoui venait de recevoir les 60 pages du jugement de Tremblay-Lamer. Le dossier est clos : le certificat est bel et bien révoqué et Charkaoui est tout à fait libre. Autre fait important : le jugement stipule que le gouvernement n’ayant aucune base pour aller en appel, il ne saurait être autorisé à déposer une telle demande
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