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Art-action Sept-Îles sans uranium

Après l’adoption cet hiver d’un quasi-moratoire sur l’exploration de l’uranium dans la région de Sept-Îles, et toujours dans l’espoir qu’un BAPE sur cette filière à la grandeur du Québec soit institué, les Innus de Uashat-mak-Mani-Utenam ont appris en mars dernier l’émission par le ministre Claude Béchard de 4 permis d’exploration pour l’uranium.

L’exploration n’a de raison qu’une éventuelle exploitation. Quand les experts de la santé et de la géologie s’entendent sur les risques de contamination des sols, des nappes phréatiques et des populations locales, mais que l’exploration est encouragée par le Ministère des ressources naturelles et de la faune, il y a de quoi être perplexe.

Le 29 mars dernier, à l’initiative du collectif SISUR (Sept-Îles sans uranium ) l’opposition a pris la forme d’une oeuvre d’art engagée : une occupation du lac Kashiwiss, source d’eau potable locale et près de laquelle le forage exploratoire d’uranium aura lieu. Le but : rappeler aux Ministères comme aux promoteurs, qui sont les habitant·e·s de ce territoire et dont la santé dépend de son intégrité, plutôt que pour faire des profits à distance.

L’art-action, réalisée avec le soutien de l’Institut culturel éducatif Montagnais (ICEM), est une idée et réalisation de Marc Fafard, activiste et éducateur populaire, en collaboration avec Johanne Roussy, artiste et enseignante, tous deux impliqués dans la sauvegarde des écosystèmes et cultures locales.

Le Conseil des Aîné·e·s de Uashat-mak-Mani-Utenam a jugé l’action suffisamment puissante, tant dans sa pertinence physique (occuper le lac Kashiwiss) que sa portée spirituelle, pour y dépêcher un Shaman.

Dans le Tipi construit la veille au centre du symbole nucléaire tracé sur le lac, le Shaman a procédé à la cérémonie officielle donnant le coup d’envoi à l’action. La cérémonie, menée au son du tambour et faisant appel aux traditions du Nitassinan, a intégré les quatre couleurs des peuples humains, pour signifier l’interdépendance de toute l’humanité avec la Nature, au moyen de bannières colorées qui ont servi ensuite à diriger les acteurs durant la chorégraphie.

Une action d’envergure pour une mobilisation d’envergure

Un convoi de près de 250 motoneiges a pris le départ à Mani-Utenam pour le trajet d’une heure vers le lac Kashiwiss. Là, 130 motoneiges et leurs pilotes ont participé à l’oeuvre. Un hélicoptère, nolisé pour filmer l’action vue du ciel, a servi aussi a amener les journalistes et émissaires de l’ONF la visionner dans son ensemble.

Premier temps de cette manifestation d’art-action : les motoneiges forment, autour du cercle central comprenant le Tipi, les trois hélices du symbole de la radioactivité. Ce symbole rappelle le principal motif de mobilisation contre de ce développement exogène, soit qu’il se fait au risque de contamination radioactive des sols et de l’eau.

Les hélices, une fois formées, se mettent à tourner en sens antihoraire, pour signifier le retour aux valeurs fondamentales de survie humaine, l’espoir de ne pas sombrer dans l’impasse du rapt de la nature et de la pollution.

Deuxième temps : les motoneiges quittent le contour des hélices et se mettent à circuler de manière chaotique, pour signifier le chaos des particules dans l’uranium, ainsi que l’imprévisibilité des effets de son exploration.

Troisième temps : du chaos commence de se former une file indienne, qui serpente à travers l’agitation, se faufile vers le contour du symbole radioactif jusqu’à ce que toutes les motoneiges soient en cercle, formant une barrière symbolique autour du lac.

Forum parallèle en mai

Cette action veut annoncer le forum parallèle, organisé par le collectif SISUR, qui se tiendra les 21 et 22 mai prochains à Sept-Îles. On attend des invité·e·s de marque, pour s’assurer d’une couverture médiatique à l’échelle du Québec, mais surtout on invite les populations d’autres régions, qui sont concernées par l’exploration minière ou l’exploitation de l’uranium, à venir s’informer, partager leurs connaissances et se réseauter en dehors du cadre démagogique des politiciens de tous niveaux.

Ce forum se tiendra en parallèle à celui organisé par la Conférence régionale des élus et par le Ministère des ressources naturelles et de la faune, une tentative de pacifier la contestation locale qui ne dupe personne. Les experts s’entendent pour dire que, bien que minimes, les conséquences d’une bévue pourtant probable signifierait la contamination radioactive de l‘eau potable pour plusieurs dizaines de milliers de personnes. Et comme on connaît l’irresponsabilité des gouvernements dans nombreux cas de contamination aquifère (qu’on pense à Walkerton ou Valcartier), la méfiance face à ce forum politiquement intéressé est justifiée

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