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Afrique, le libre-service de l’occident

L’Afrique, continent « oublié », en marge de la « mondialisation » ? Au contraire, l’Afrique est intégrée depuis bien longtemps dans l’économie mondiale. En proie à un pillage incessant depuis des siècles, l’Afrique a subit les contre-coups des réorganisations de l’échiquier géopolitique et des variations dans la consommation à l’échelle internationale. Dans la nouvelle donne, le Canada s’est taillé une part de lion.

Rappelons-nous que les prodigieuses ressources humaines et naturelles du continent africain ont d’abord motivé le commerce triangulaire. Elles ont par la suite amené les puissances coloniales, dont l’industrialisation était galopante, à se diviser le gâteau africain lors de la conférence de Berlin en 1885, afin d’organiser le pillage des richesses minérales, pétrolières, forestières et agricoles du continent. Plus près de nous, dans l’Afrique à papa, « décolonisée », les français s’appuyaient sur leurs réseaux politico-mafieux, la fameuse Françafrique, pour pomper le pétrole indispensable à son indépendance énergétique. Le « pré-carré » francophone et la présence militaire française arrangeait bien Washington, car il l’aidait à endiguer l’avancée communiste sur le continent, et à protéger les accès étatsuniens au pétrole et minerais stratégiques. Même si les dictatures n’ont pas disparues, -témoins les oligarques du pétrole Obiang en Guinée-Équatoriale, activement soutenu par les ÉU, ou encore Deby au Tchad et Bongo au Gabon, appuyés indéfectiblement par la France-, les stratégies de prédations évoluent avec le temps. Aujourd’hui toute-puissantes, les multinationales instrumentalisent les organismes multilateraux, les États et d’autres formes d’organisations sociales pour maximiser leurs bénéfices.

Un chapelet de pays africains très endettés a été « démocratisé » au cours des deux dernières décennies. Ces « démocratures » ont dû se plier aux exigences des Institutions Financières Internationales (IFI) en démantelant ses services publics et instituant des cadres légaux taillés sur mesure (sans contraintes fiscales, en matière d’environnement ou de conditions des salariés) pour les investisseurs étrangers. Le but reste toujours identique : organiser les économies africaines pour que le pompage des matières premières soit le plus efficace possible. En sus de l’arrivée du progrès à l’occidentale, on invite désormais l’Afrique à « s’insérer », « enfin », dans l’économie mondiale, en faisant toujours comme si les acteurs africains luttaient à armes égales contre des acteurs économiques occidentaux par ailleurs largement avantagés par des logiques de dumping.

D’autres pays africains ont été, ou sont, en proie à des guerres civiles larvées. La presse, souvent pilotée par les mêmes multinationales qui pillent sans relâche l’Afrique, berce un occident enfoncé dans ses préjugés racistes avec la fable du « conflit ethnique ». Bien au contraire, les guerres qu’ont connus le Sierra Leone, L’Angola ou encore aujourd’hui le Soudan et la RDC sont à concevoir comme des guerres que se livrent des acteurs économiques occidentaux pour le contrôle des matières premières. Ces conflits, souvent financés par des puissances du nord, profitent notamment à des entrepreneurs financiaro-militaires oeuvrants au sein de nébuleuses où mercenaires côtoient ingénieurs miniers, et qui se vantent de posséder les arguments pour exploiter dans des régions à feu et à sang. Heritage Oil, une compagnie canadienne dont le pdg est l’ancien mercenaire Tony Buckingham, possède des droits sur des concessions pétrolières à la frontière de la RDC et l’Ouganda.

Les populations africaines subissent directement les conséquences des pillages légalisés et criminels. Comme au temps de la colonie, les horreurs sont inénarables : accaparement de terres arables, des ressources énergétiques et hydrauliques par l’industrie minière, pollutions aux abords des sites miniers et pétroliers entraînant des malformations congénitales, déplacements massifs de populations fuyant les combats et la terreur, enfants-soldats, civils martirisés, viols utilisés comme arme de guerre, massacres à grande échelle,…

Au nord, la demande pour les matières premières ne faiblit pas, tirée par une consommation frénétique (gadgets électroniques, industries aéronautique et automobile, armement), par les crises économiques qui incitent à se replier sur les valeurs refuges telles l’or ou le diamant, ou encore par l’intérêt accru pour l’uranium avec la reconnaissance de l’implication humaine dans le réchauffement global.

Les multinationales canadiennes ne sont pas en reste. Longtemps privé d’une part dans le gâteau africain, le Canada s’impose aujourd’hui comme un relais de premier plan, voire même un paradis judiciaire pour des sociétés privées actives en Afrique. Dans le seul domaine minier, Barrick Gold, Kinross, Banro, Lundin mining, IamGold, Anvil Mining et First Quantum Minerals qui a récemment racheté l’obscure Adastra (ex AMFi) ont clairement une responsabilité dans les misères subies actuellement par des peuples africains. Le livre Noir Canada dénonce l’existence d’un système proprement canadien d’exploitation des ressources africaines, via la Bourse de Toronto et le soutien multiforme qu’Ottawa prodigue à ses sociétés, le tout, bien sûr, avec l’argent des contribuables. Mais ces puissants acteurs ne pouvaient laisser le public s’informer librement sur ce que ces sociétés accomplissent en leur nom. L’ouvrage est victime aujourd’hui d’une forme moderne de censure, digne d’un état totalitaire, par l’instrumentalisation de la justice, soit le recours à la poursuite-baîllon.

Une prise de conscience est urgente. Les deniers publics ou les placements personnels des canadiens sont utilisés pour financer des industries qui se rendent coupables de meutres, corrompent, emploient des mercenaires pour protéger leurs concessions mal acquises, déstabilisent des régimes, ou financent des seigneurs de guerres, … Les canadiens devront à un moment faire face aux crimes qu’ils légitiment par leur ignorance.

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